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la procession devait nécessairement traverser. Les soldats citoyens, comme on les appelait aussi dans ce temps, se rangèrent des deux côtés d’un chemin creux, abrité par de hauts fossés, et attendirent.

Une heure environ s’écoula sans que rien parût.

Enfin, on entendit un bruissement éloigné, comme la marche d’une foule ; puis une voix s’éleva au-dessus des brises de la nuit, et un chant sacré se perdit au loin…

Deus, auribus nostris audivimus. Patres nostri annunciaverunt nobis. Gloria Patri. Exurge[1].

— Ce sont eux, dit le capitaine qui commandait le détachement, à genoux tous, et attention au commandement.

Il y eut encore un silence ; puis les chants s’élevèrent de nouveau.

La même voix reprit :

Pater de cœlis, Deus.

Miserere nobis,

répondit la foule.

Fili, redemptor mundi, Deus.

Miserere nobis !

Les chants approchaient toujours, ils se firent entendre à quelques pas ; la procession était engagée dans le sentier même que bordaient les gardes nationaux. Dans ce moment la voix du prêtre et les réponses de la foule éclatèrent comme un tonnerre.

A subitanea et improvisa morte[2].

Libera nos. Domine[3] !

Ab insidiis diaboli[4].

Libera nos. Domine !

La tête de la procession était passée, les croix et les bannières apparaissaient au-dessus des haies et effleuraient les baïonnettes des patriotes.

— En joue ! murmura le capitaine.

Les soldats obéirent.

  1. Dieu ! nos oreilles ont entendu. Nos pères nous ont tout annoncé. Gloire au Père éternel. Lève-toi, Seigneur.
  2. De toute mort imprévue et subite.
  3. Délivre-nous, Seigneur !
  4. Des embûches du démon.