Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/474

Cette page a été validée par deux contributeurs.
470
REVUE DES DEUX MONDES.

que ce soit quel président leur convenait pour se présenter devant la majorité ; en conséquence, M. de Broglie fut présenté par M. Guizot comme le président du conseil indispensable. Tout cela fut dit d’un ton haut et ferme, à travers lequel, malgré les formes polies et de bonne compagnie, perçait un fond de commandement. Le roi répondit : « Je n’accepte point M. de Broglie, parce que M. de Broglie m’a compromis aux yeux de l’Europe, et que c’est l’Europe qui m’occupe spécialement ; au reste, constitutionnellement parlant, le choix des ministres appartient au roi, qui cherche, dans les diverses nuances des chambres, les moyens de répondre légalement à leur majorité, et il est possible, M. Guizot, que ce que vous me présentez comme l’opinion de la chambre, ne soit que l’opinion d’une coterie ; il faut que tout cela finisse, et j’y pourvoirai. Vous avez eu deux jours pour vous compléter ; vous me présentez des choses impossibles ; je vous répète que j’y pourvoirai. » Il avait été un moment question du duc de Dalmatie, et, chose curieuse à dire, les quatre ministres liés entre eux l’avaient à la fin eux-mêmes proposé pour maintenir leur combinaison. Le roi, dit-on, s’écria : « Eh quoi ! vous voulez que je rappelle en votre nom le maréchal, dont vous avez exigé le renvoi il y a moins de deux mois ; cela ne peut être. »

Cette brusque sortie amena une espèce de silence dans le conseil, et depuis ne s’engagèrent plus que des conversations vagues, des mots entrecoupés sans résultat politique.

Cinquième journée. — Dès le matin Louis-Philippe, ayant rompu toute espèce de rapport avec l’opinion de M. Guizot, manda au château le vieux M. Maret. Cette opinion souple lui convenait, ces formes inoffensives de courtisan étaient en rapport avec les besoins de sa politique. Le duc de Bassano accepta sur-le-champ l’offre qui lui était faite. Le ministère était depuis long-temps le but de son ambition, le plus vif désir de son cœur, et peut-être un besoin dans sa position de fortune. Il consulta quelques amis, et M. Dupin particulièrement ; le président de la chambre, lié au parti impérial décrépit, accepta la mission secrète de désigner ses amis, ses parens, et se mit le matin même en communication avec les candidats désignés. À onze heures le ministère était fait ; la liste avait été portée à midi au château ; à peine discutée par le roi, communiquée à quelques intimes, elle fut envoyée au Moniteur à trois heures et demie, revêtue de la signature du roi et de M. Persil, que M. Dupin lui-même laissa aux sceaux. Ainsi finit le ministère du 11 octobre. L’histoire le jugera sévèrement, parce qu’il ne remplit que très imparfaitement la mission qu’il s’était donnée. Il s’offrait comme une pensée d’unité, et sa vie ne fut qu’une division, qu’un tiraillement perpétuel d’hommes et de choses ; il