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rieusement la question de savoir si l’alliance des doctrinaires était essentielle à la composition du nouveau cabinet ; M. Thiers exprima quelques-unes de ses antipathies ; mais il avoua que l’alliance lui paraissait une nécessité, et dans une profonde émotion, il s’écria : « Si nous ne les prenons pas avec nous, je ne suis point capable de subir, pendant une session, l’orgueil et le sarcasme de ces gens-là. »

Dès ce moment, il fut décidé que des ouvertures directes seraient faites par M. Molé à M. Guizot. Depuis un an, une séparation complète s’était opérée entre ces deux hommes politiques ; la cause de cette séparation avait toujours été une rivalité de position, et quelques discussions ministérielles soulevées lors de l’entrée de M. de Broglie au conseil. M. Molé ne dut point faire de démarches directes auprès de M. Guizot ; il écrivit, dit-on, à M. Bertin de Vaux, afin qu’il cherchât à les réunir dans une conférence où il serait tierce personne, pour savoir s’il n’y aurait pas moyen de concilier les élémens d’un ministère autour d’une présidence commune. Le rendez-vous fut fixé à huit heures du soir chez M. Bertin de Vaux, et là la conversation s’engagea sur les principes d’une administration nouvelle, et sur la place que chacun devrait y prendre. M. Guizot déclara qu’il n’avait aucune répugnance à entrer dans un cabinet dont un homme haut placé comme M. Molé ferait partie, mais qu’il était bon, avant toute chose, de savoir sur quel pied on serait admis, et quelle part serait faite à l’importance de chacun. M. Molé jeta tout de suite en avant la question de la présidence ; à quoi M. Guizot répondit qu’il fallait parfaitement s’entendre sur la valeur de ce mot de présidence ; si on entendait par là quelque chose de nominal, il ne s’opposait point à ce que tout autre que lui ajoutât ce fleuron à sa couronne ; mais que si au contraire il y avait une valeur intrinsèque, une domination effective attachée à ce titre, il ne croyait pas possible d’admettre, sans contestation, une supériorité que chacun devait tenir de sa position et de son talent parlementaire dans les chambres. La conversation continuant d’après ces erremens, les deux parties rompirent d’un commun accord, et dès le soir même M. Molé écrivit au roi que, n’ayant pu réaliser la seule mission dont il s’était chargé, celle de grouper certains noms nouveaux avec les hommes importans du dernier cabinet, il remettait dans ses mains la mission qu’il avait bien voulu lui confier.

Mais en ce moment survenait un épisode qui compliqua cette situation simple. Le Journal de Paris annonçait le soir que M. Molé était officiellement chargé par le roi de composer une nouvelle administration, ce qui était faux ; la mission de M. Molé était tout officieuse. D’où venait cette note ? qui l’avait envoyée ? Était-ce une perfidie pour compromettre un nom