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Combalet glaça tout à coup la Reyne. Cette dame se jeta à ses pieds avec tous les discours les plus respectueux, les plus humbles et les plus soumis. J’ai ouï dire à mon père, qui n’en perdit rien, qu’elle y mit tout son bien-dire et tout son esprit, et elle en avoit beaucoup. À la froideur de la Reyne, l’aigreur succéda ; puis incontinent la colère, l’emportement, les plus amers reproches, enfin un torrent d’injures, et peu à peu de ces injures qui ne sont connues qu’aux halles. Aux premiers mouvements le Roy voulut s’entremettre ; aux reproches, sommer la Reyne de ce qu’elle lui avoit formellement promis, et sans qu’il l’en eust priée ; aux injures, la faire souvenir qu’il étoit présent, et qu’elle se manquoit à elle-même. Rien ne put arrêter ce torrent. De fois à autre, le Roy regardoit mon père, et lui faisoit quelque signe d’étonnement et de dépit : et mon père, immobile, les yeux bas, osoit à peine et rarement les tourner vers le Roy comme à la dérobée. Il ne contoit jamais cette énorme scène, qu’il n’ajoutast qu’en sa vie il ne s’étoit trouvé si mal à son aise. À la fin, le Roy outré s’avança, car il étoit demeuré debout, prit madame de Combalet, toujours aux pieds de la Reyne, la tira par l’épaule, et luy dit en colère que c’étoit assez en avoir entendu, et de se retirer. Sortant en pleurs, elle trouva le Cardinal son oncle, qui entroit dans les premières pièces de l’appartement. Il fut si effrayé de la voir en cet état, et tellement de ce qu’elle luy raconta, qu’il balança quelque tems s’il s’en retourneroit.

« Pendant cet intervalle, le Roy, avec respect, mais avec dépit, reprocha à la Reyne son manquement de parole donnée de son gré, sans en avoir été sollicitée ; luy s’étant contenté qu’elle vist seulement le cardinal de Richelieu au conseil, non ailleurs, ny pas un des siens : que c’étoit elle qui avoit voulu les voir chez elle, sans qu’il l’en eust priée, pour leur rendre ses bonnes grâces ; au lieu de