Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/412

Cette page a été validée par deux contributeurs.
408
REVUE DES DEUX MONDES.

qui présente la plus curieuse analogie avec la révolution politique en France, et doit paraître non moins importante à l’homme réfléchi ; elle se développe avec des phases égales, et il existe entre ces deux révolutions le parallélisme le plus remarquable.

Des deux côtés du Rhin, nous voyons la même rupture avec le passé. On refuse tout respect à la tradition. En France tout droit, en Allemagne toute pensée, est mis en accusation et forcé de se justifier : ici tombe la royauté, clé de voûte du vieil édifice social ; là-bas le déisme, clé de l’ancien régime intellectuel.

Cette catastrophe, ce 21 janvier du déisme, nous en parlerons dans la troisième partie. Un effroi respectueux, une mystérieuse piété ne nous permet pas d’écrire aujourd’hui davantage. Notre cœur est plein d’un frémissement de compassion… car c’est le vieux Jehovah lui-même qui se prépare à la mort. Nous l’avons si bien connu depuis son berceau en Égypte où il fut élevé parmi les veaux et les crocodiles divins, les oignons, les ibis et les chat sacrés… Nous l’avons vu dire adieu à ces compagnons de son enfance, aux obélisques et aux sphinx du Nil, puis en Palestine devenir un petit dieu-roi chez un pauvre peuple de pasteurs… Nous le vîmes plus tard en contact avec la civilisation assyro-babylonienne ; il renonça alors à ses passions par trop humaines, s’abstint de vomir la colère et la vengeance, du moins ne tonna-t-il plus pour la moindre vétille… Nous le vîmes émigrer à Rome, la capitale, où il abjura toute espèce de préjugés nationaux, et proclama l’égalité céleste de tous les peuples ; il fit avec ces belles phrases de l’opposition contre le vieux Jupiter et intrigua tant qu’il arriva au pouvoir, et du haut du Capitole gouverna la ville et le monde, urbem et orbem… Nous l’avons vu s’épurer, se spiritualiser encore davantage, devenir paternel, miséricordieux, bienfaiteur du genre humain, philanthrope… Rien n’a pu le sauver !…

N’entendez-vous pas résonner la clochette ? À genoux !… On porte les sacremens à un Dieu qui se meurt.


Henri Heine.



(La suite à une prochaine livraison.)