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Le catholicisme des chrétiens une fois renversé, il fallait bien que celui des juifs, le Talmud, succombât aussi ; car le Talmud avait dès-lors perdu sa valeur : il ne servait que de rempart contre Rome, et les Juifs lui doivent d’avoir pu résister contre Rome chrétienne aussi héroïquement que jadis contre la Rome du paganisme. Et non-seulement ils ont résisté, mais ils ont même vaincu ; le pauvre rabbin de Nazareth, sur la tête mourante duquel le Romain païen attacha l’écriteau ironique : « Roi des Juifs ! » ce même roi dérisoire des Juifs, couronné d’épines, revêtu d’une pourpre insultante, devint à la fin le dieu des Romains, et il leur fallut s’agenouiller devant lui. Comme jadis la Rome païenne, Rome chrétienne a été vaincue, elle est même devenue tributaire. Si tu veux, cher lecteur, te rendre, dans les premiers jours du trimestre, rue Laffitte, no 15, tu verras s’arrêter, devant le portail élevé, une lourde voiture de laquelle descend un gros homme. Celui-ci monte un escalier qui conduit à une petite chambre où un jeune homme blond est assis avec une nonchalance de grand seigneur, dans laquelle cependant perce quelque chose d’aussi solide, d’aussi positif, d’aussi absolu, que s’il avait dans sa poche tout l’argent de ce monde ; et il a en effet tout l’argent du monde dans sa poche, car il s’appelle M. James de Rothschild, et le gros homme est monsignor l’envoyé de sa sainteté le Pape, et il apporte, comme son représentant, les intérêts de l’emprunt romain, le tribut de Rome.

À quoi bon maintenant le Talmud ?

Moïse Mendelsohn mérite donc de grands éloges pour avoir ruiné le catholicisme juif, au moins en Allemagne ; car ce qui est superflu est nuisible. En rejetant la tradition, il tâcha cependant de maintenir comme devoir religieux les lois rituelles du Pentateuque. Était-ce timidité ou sagesse ? Eut-il un retour de sympathie douloureuse qui l’empêcha de porter sa main destructrice sur des objets qui avaient été si chers à ses ancêtres, et pour lesquels tant de sang, tant de larmes de martyrs avaient coulé ? Je ne le crois pas. Comme les rois de la matière, les rois de l’esprit doivent s’endurcir contre les sentimens de famille ; et sur le trône de la pensée on doit également se garder de céder à une douce sensiblerie. Aussi je croirais plutôt que Moïse Mendelsohn vit dans le mosaïsme pur une institution qui pouvait servir au déisme comme un dernier retranchement ; car