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ment le mythe indien, qu’est venu le grand déchirement du monde, le mal.

Savez-vous à présent ce qu’est le mal dans le monde ? Les spiritualistes nous ont toujours reproché que, dans les idées panthéistiques, toute distinction cessait entre le bien et le mal ; mais le mal, d’une part, n’existe que dans leur propre fausse manière d’envisager le monde, et de l’autre, c’est un produit réel de leur arrangement des choses ici-bas. D’après leur point de vue, la matière est mauvaise par et en elle-même, ce qui est en vérité une calomnie, un affreux blasphème contre Dieu. La matière ne devient mauvaise que lorsqu’elle est obligée de conspirer en secret contre l’usurpation de l’esprit, quand l’esprit l’a flétrie et qu’elle s’est prostituée par mépris de soi-même, ou bien encore, quand, avec la haine du désespoir, elle se venge de l’esprit ; et ainsi le mal n’est que le résultat de l’arrangement du monde par les spiritualistes.


Dieu est identique avec le monde ; il se manifeste dans les plantes qui, sans conscience d’elles-mêmes, vivent d’une vie cosmomagnétique ; il se manifeste dans les animaux qui, dans le rêve de leur vie sensuelle, éprouvent une existence plus ou moins sourde ; mais c’est dans l’homme qu’il se manifeste de la manière la plus admirable, dans l’homme qui sent et pense en même temps, qui sait distinguer sa propre individualité de la nature objective, et porte déjà dans sa raison les idées qui se font aussi reconnaître à lui dans le monde des faits. Dans l’homme, la Divinité arrive à la conscience de soi-même, et cette conscience, elle la révèle de nouveau par l’homme ; mais cela n’arrive point dans et par les hommes isolés, mais par l’ensemble de l’humanité ; de telle sorte qu’un homme ne comprend et ne représente qu’une parcelle du Dieu-monde, mais que tous les hommes ensemble comprennent et représenteront dans l’idée et dans la réalité tout le Dieu-monde. Chaque peuple a peut-être la mission de reconnaître et de manifester une partie de ce Dieu-monde, de reconnaître une certaine série de faits et de réaliser une certaine série d’idées, et de transmettre le résultat aux peuples suivans, auxquels une semblable mission est imposée. Dieu est en conséquence le véritable héros de l’histoire universelle. L’histoire n’est que sa pensée éternelle, son éternelle