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LETTRE SUR LA PALESTINE.

der sa pitié et d’étendre sur nous ses puissantes ailes. — En parlant ainsi, le cadi était profondément ému, et quand nous nous sommes séparés, l’ombre noire du chagrin couvrait son visage. Je n’oublierai jamais le cadi de Gaza ; il y a loin d’un tel homme à un courtisan du despotisme ; Saïed-Ali n’est pas de ceux qui peuvent plaire au gouvernement turc et le servir utilement. Il est de ceux qu’on envoie boire les eaux amères de l’exil.

Jusqu’ici je ne vous ai parlé que de Gaza au temps présent ; que de choses j’aurais à vous dire touchant cette ville si je feuilletais les antiques annales ! L’histoire sainte nous parle de la prise de Gaza par Simon Machabée, qui la purifia de ses idoles et la consacra au culte du Seigneur ; l’histoire profane a raconté le siége de cette ville par Alexandre : le héros macédonien reçut au pied de ses murailles deux blessures qu’un corbeau prophétique lui avait annoncées ; maître de la ville, il traita le gouverneur Bétis comme Achille avait traité Hector, en le faisant traîner par des chevaux autour de la ville ; mais tous ces événemens sont dans les livres.

En vous parlant de Gaza, l’antique métropole des cités philistéennes, j’aimerais à vous dire quelques mots sur ce peuple philistin dont il est si souvent question dans l’histoire des Hébreux. Le petit empire des Philistins se composait de cinq cités, Gaza, Ascalon, Azoth, Geth, Accaron ou Acre. C’était une colonie égyptienne qui, à une époque fort reculée, avait envahi les fertiles rivages de la Palestine. J’imagine que les Philistins étaient des Arabes semblables aux Arabes répandus aujourd’hui dans les déserts d’Égypte et le long des côtes de la mer Rouge ; ils émigrèrent en Palestine partagés en tribus qui chacune avait un cheik ou un satrape ; ils adoraient Dagon et toutes les idoles des bords du Nil et des pays arabiques ; le peuple israélite, venu de l’Égypte comme eux, se plaisait quelquefois à retourner au culte des idoles, et les mœurs des Philistins ne lui inspiraient pas une grande répugnance. Mais les chefs des Hébreux, qui avaient mission d’exterminer les adorateurs des idoles, prêchaient au peuple de Jehovah de rompre tout pacte avec eux. Un million de Chananéens avaient disparu sous le glaive destructeur des enfans d’Israël ; un seul ennemi restait à combattre : c’étaient les Philistins. Que d’efforts, que de travaux pour les anéantir ! sous les juges, sous les rois, que