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straites de la pensée, et pour laquelle Schelling ne dissimule pas de généreuses sympathies. Les relations suivies que M. X. Quris a eues avec les professeurs des universités allemandes, le rendaient tout-à-fait digne d’introduire en France une connaissance plus parfaite de ce nouveau mysticisme.


Aucune nation ne manquera au banquet de la démocratie ; l’Allemagne s’est mise en route pour y venir. Nous avons sous les yeux une traduction de la tragédie de Struensée, que Michaël Beer, le frère du célèbre compositeur Meyer-Beer, a fait représenter à Munich peu avant sa mort. Cette tragédie n’a point, comme on pense, la raillerie aristocratique dont M. Scribe a usé peu agréablement dans sa comédie ; elle est une justification de l’alliance démocratico-monarchique rêvée par quelques hommes d’état du xviiie siècle. Struensée, avant de monter sur l’échafaud, prononce la formule sacramentelle des royautés constitutionnelles : « Ce jour arrivera ;… il est inévitable, assuré comme l’éternelle sagesse. Les peuples ne sont puissans que par les rois, les rois ne sont grands que par les peuples. » Nous doutons moins de l’éternité de cet axiome que des résolutions de l’Allemagne.


C’est par les voies matérielles que l’Angleterre accomplit son progrès. L’économie politique est la seule philosophie non dérisoire qu’on fasse à Londres. Les Contes populaires de John Hopkins[1], composés par Mme Marcet, sont un résumé assez fidèle de l’état actuel des idées économiques de la Grande-Bretagne. John Hopkins, c’est une nouvelle façon de John Bull, façon plus patiente et plus débonnaire. John Hopkins vit dans le dénuement le plus absolu ; il ne connaît l’abondance que dans le nombre des membres de sa famille. Il se laisse pourtant faire dix petits contes bénins, par lesquels on lui persuade que sa pauvreté est heureuse, que la richesse des seigneurs entretient cette félicité, que la taxe des maîtres doit être respectée aveuglément ; que, s’il ne se trouve pas à l’aise dans son comté, il peut aller fonder une colonie dans le Nouveau-Monde ; que, s’il n’a pas de quoi nourrir ses enfans, il ne doit pas compter sur l’aide de ses concitoyens ; que les machines et l’exportation étrangère, qui le ruinent, pourront bien finir par l’enrichir, et qu’ainsi, de progrès en progrès, il saura l’économie politique aussi bien qu’Adam Smith, ce qui ne l’empêchera pas de mourir de faim. Nous comprenons tout ce que le privilège de la

  1. John Hopkins, contes populaires, par Mme Marcet, traduit de l’anglais.