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P. Guérin ; que Lafayette était un homme de bon ton dans les rangs du désordre, et rappelait l’ancienne cour à des partis de sale démagogie ; que M. de Martignac était un grand tribun qui avait fait représenter plusieurs vaudevilles. Lorsque M. Henrion ne sait point courber une biographie jusqu’à l’humilité de son point de vue, il la restreint à ses deux dates extrêmes ; de telle façon qu’aux endroits où il ne peut mettre une déclamation, il laisse une aridité qui n’a rien à lui envier. Il est plus commode encore d’omettre les tendances du siècle, que de les insulter. Du reste, le sublime projet réalisé par M. Henrion avait reçu un commencement d’exécution par les soins doctrinaires de M. Mahul. Toutes les infirmités se tiennent.


Nous savons une candeur aussi énorme que ces hypocrisies. Un ancien préfet du Gard[1], destitué en 1824 pour des motifs qu’on a peine à deviner dans des strophes à moitié effacées, s’était retiré près du Luxembourg. Il ne paraît pas que l’émeute de décembre 1830 l’ait fait déserter, comme il dit lui-même, le nid modeste et studieux où il avait assemblé sa couvée. Mais, aussitôt l’émeute passée, en janvier 1831, M. de Sémonville, grand-référendaire près la chambre des pairs, reçut de lui quatre stances, signées par un promeneur ami de la paix et des roses, qui l’engageaient à faire enlever du jardin du Luxembourg les échafaudages dressés à l’occasion du procès des ministres. Le poète anonyme promettait, en échange de cette complaisance, de ramener sa muse dans l’enceinte long-temps profanée. M. de Sémonville n’était peut-être pas fâché d’épier une muse, pour savoir ce que c’était. Il fit enlever les planches fatales. Mais le promeneur ami de la paix et des roses, par de nouvelles strophes, demanda compte au grand-référendaire de la mousse qu’il laissait pousser au menton de la Diane chasseresse, et du limon fangeux qui faisait frémir les muscles du fier gladiateur. Il pria le noble pair de faire couvrir les statues du vernis protecteur d’un bouillant encaustique.

Il paraît que M. de Sémonville trouva la muse trop divertissante pour ne pas se rendre à ses nouvelles sollicitations. Tout cela amena entre le promeneur et le grand-référendaire une bataille de complimens et de bouts-rimés qui se trouvait consignée avec mille autres petits poulets paternels sur l’album de Mme la baronne **, fille du promeneur. La publication de cet album a rempli un énorme volume.

La critique n’a pas de prise, comme on pense bien, sur ce recueil de poésies domestiques, qui est du nombre des choses qu’on n’a pas besoin

  1. Loisirs d’un ancien magistrat, par le vicomte de Villiers du Terrage.