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lui. Cet amour inoui, gagnant Arabelle peu à peu, lui sert de transition entre les débauches et le cloître. Voilà tout.

L’aristocratie n’est-elle point comme Arabelle, aujourd’hui ? Tentée par les débordemens nouveaux du siècle, elle s’y plonge passionnément. Ses loisirs se prennent aux plus excentriques manifestations de l’esprit moderne. Elle se noircit volontiers comme Byron, et cherche les ivresses où l’on oublie. Mais elle ne peut ordonner à sa raison de suivre son cœur ; elle en exagère au contraire les reproches à mesure que la vie lui échappe. Elle se jette alors stoïquement dans les extrémités de sa première destinée, et compte racheter par le repentir la part qu’elle a prise aux folies du temps. Cela met dans sa biographie un mélange absurde des désirs les plus insensés et des plus imbécilles remords. Ne comptez point nous tromper, poète ; vous préférez les péchés de votre Madeleine à ses larmes.

La versification de M. Jules de Saint-Félix, quoique assez abondante et limpide, a pourtant un signe frappant d’extériorité et de matérialisme. Ne dirait-on pas qu’il n’a point trouvé dans son opinion la vie nécessaire pour animer ses caractères, et qu’il s’est trouvé forcé de dépenser sa poésie sur le costume de ses statues ? Toutes ces vieilles convictions sont ainsi devenues impuissantes ; les artistes qu’elles inspirent, pourront bien encore tailler des marbres ; ils ne sauront plus entr’ouvrir le ciel pour lui dérober le feu souverain.

Nous ne parlerons des fragmens qui terminent le volume, que pour en citer les quatre derniers vers, où semble se dévoiler l’arrière-pensée d’une heureuse conversion :


Eh bien ! vos ducs ont-ils le front moins triomphant,
Depuis qu’un écusson est un jouet d’enfant ?
Passez, ducs et châteaux et donjon feudataire…
Tout va vite, voyez, tout passe sur la terre.


Pendant que la poésie aristocratique se perd ainsi dans des sentiers qui la trompent, M. Henrion, avocat à la cour royale de Paris, dresse une statistique de parti, pour recueillir la vie des hommes célèbres que la mort enlève chaque année.

Cet avocat prétend qu’Andrieux, apôtre très ardent de l’impiété, est un des hommes qui ont le plus contribué à égarer la jeunesse ; que Bentham avait peu d’estime pour l’espèce humaine ; que M. Bichon, supérieur du séminaire de Mende, après avoir joui d’une éloquence entraînante, s’est endormi du sommeil des justes au sein du calme et de la sérénité ; qu’il n’y a rien de plus gracieux, de plus noble, de plus naïf que la Didon de