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LETTRE SUR LA PALESTINE.

curiosité au voyageur. Les chrétiens nous montrent l’emplacement du temple que Samson, aveugle et prisonnier, fit crouler sur lui et sur trois mille Philistins. On montre aussi la place où fut le château que Bonaparte renversa de fond en comble, après s’être emparé de la cité. Une vieille femme arabe, m’ayant aperçu sur les ruines du kala, a maudit mon chapeau et mon habit franc, et a demandé à mon trucheman si j’étais un des Francs qui lui avaient tué trois fils, lors du passage de Bonaparte. On compte à Gaza quinze mosquées, dont la plus belle fut jadis une église ; la porte de cette mosquée nous a été ouverte. C’est un grand édifice soutenu par une double colonnade, pavé d’une pierre qui a la blancheur du marbre ; monument du Bas-Empire assez semblable à l’ancienne église de Bethléem. Les musulmans ont ajouté à la vieille basilique grecque des édifices pour les imans et les écoles, qui gâtent l’ensemble du monument. Les chrétiens de Gaza prétendent que ce temple fut l’ouvrage de la piété de sainte Hélène ; mais le voyageur doit se mettre en garde contre toutes ces pieuses traditions : la mère de Constantin n’aurait pas assez vécu pour bâtir tous les temples chrétiens qu’on lui attribue, seulement dans la Palestine.

Je n’ai point vu à Smyrne ni à Constantinople un khan plus vaste et plus beau que celui de Gaza. Les bazars ne manquent pas, mais vous n’y trouvez ni richesses ni magnificence. Le savon, les toiles du Caire, les draps, le blé, l’orge, le riz, les dattes et les olives, ce sont là les branches du commerce ; le riz vient de Damiette et les soieries de Damas ; mais ce commerce est d’un faible secours pour la population, et je n’ai vu nulle part autant de mendians qu’à Gaza. Sur onze à douze mille habitans, la ville ne renferme que deux cents chrétiens, tous de la communion grecque. Point de Juifs, d’Arméniens, ni de catholiques ; depuis long-temps, les pères de la Terre-Sainte ont déserté Gaza ; on n’a pu me dire où fut jadis leur monastère.

Aucune ville de la Palestine ne m’a offert une aussi grande variété de costumes que le bazar. Cette variété de costumes atteste le grand nombre de nations qui habitent ou qui traversent la cité. Chrétiens, osmanlis, musulmans, Arabes, fellahs, bédouins, et parmi les bédouins différentes races, différentes tribus, Égyptiens,