Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
REVUE DES DEUX MONDES.

Mais cette augmentation même, le nouveau ministre du commerce n’a pas cru devoir l’introduire.

Déjà l’avènement de M. Duchâtel à ce ministère avait paru la plus significative protestation que le cabinet pût admettre dans son sein contre ce malencontreux exposé de motifs, acte évidemment isolé de M. Thiers. Rien jusqu’ici n’empêche de croire que ce soit ainsi que M. Duchâtel a compris sa position ; si l’on peut craindre de sa part quelque timidité, on ne craint pas du moins qu’il apostasie les principes d’économie politique qu’il exposait dans le Globe, il y a quatre ans, avec un remarquable talent. Puisse cette confiance de l’opinion publique dans sa foi et dans sa fidélité à ses anciennes convictions, lui donner toute la force nécessaire dans sa belle et difficile position ! Quoi qu’il en soit, sa réponse à l’exposé de motifs de M. Thiers, et à la demande d’augmentation de droits sur les lins filés étrangers, a été celle-ci (Rapport au roi et ordonnance du 8 juillet 1834) :

« Sur le lin, soit à l’état brut, soit peigné, les droits sont réduits de moitié. C’est le meilleur encouragement à donner aux filateurs de lin. Le gouvernement ne refusera pas ses soins et sa protection à cette industrie si digne d’intérêt. Mais je ne conseillerai pas à Votre Majesté de lui accorder une augmentation de droits sur les lins filés étrangers ; si la prudence commande de ne toucher qu’avec de grands ménagemens aux taxes depuis long-temps établies, au moins n’en créons pas de nouvelles. C’est à l’habileté et à la persévérance des filateurs français à soutenir, sous le régime actuel, la concurrence des étrangers. »

M. Duchâtel ne voit donc pas dans la prohibition ou dans la restriction de la concurrence étrangère le seul moyen d’éducation industrielle d’un peuple, ou de développement d’une industrie spéciale. Les faits que j’ai résumés dans ce travail, et qui sont dès long-temps connus de tous les hommes qui étudient avec soin ces graves matières, ne permettent pas, en effet, de faire un tel honneur au système restrictif. Quelques mots encore cependant sur ce point.

Comment s’est développée chez nous la première de nos industries, celle des soies ? Est-ce par le système restrictif qui frappait la matière première à l’entrée et à la sortie, et auquel on a été obligé de renoncer en le déclarant inutile pour cette industrie, en reconnaissant qu’elle avait été gênée par de ridicules entraves[1] ? Notre éducation industrielle en matière de produits chimiques, de teintures, d’impressions sur étoffes, éducation si bien faite, qu’aucun peuple ne nous surpasse dans ces branches de pro-

  1. Exposé de Motifs de M. Thiers, p. 24.