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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

mentation va être que le gouvernement ne saurait déployer trop d’activité, ni mettre en jeu trop de ressources pour nous donner la viabilité de l’Angleterre, pour nous mettre à même de suppléer à ses capitaux, à son expérience, afin de nous affranchir au plus vite de ces taxes inéquitablement assises, et exclusives du bon marché ; point du tout : la conclusion, nous l’avons vu, c’est que, puisque tout le monde souffre, personne n’a le droit de se plaindre ; c’est que l’agriculture et la navigation, étant protégées, n’ont rien à dire de la protection accordée au fer ; c’est qu’enfin la véritable question n’est pas de savoir si le fer coûte trop cher, mais si le droit qui protége le fer est suffisant ou exclusif pour le développement du fer. À une question ainsi posée, la réponse pourrait très bien être une augmentation dans le droit sur les fers étrangers, et non une diminution. Vienne en Angleterre une découverte qui ferait fortement baisser le prix du fer, et, en raisonnant d’après les principes posés par le ministre, il est évident qu’il faut augmenter le droit en France, jusqu’à ce que cette découverte y soit installée aussi, et qu’elle ait pu déterminer un égal abaissement dans le prix du fer français.

Les chiffres et les argumens de M. Thiers ont été soumis à une singulière épreuve. Traitant la question des houilles, il s’exprimait ainsi : « Une réduction d’un tiers sur le droit, en amenant une amélioration de prix de six à sept sous sur la frontière de mer, ferait arriver, à coup sûr, les houilles anglaises assez avant pour ruiner nos principaux établissemens… Nous n’avons pas la force de consommer une pareille ruine. » M. Thiers parlait ainsi en février ; en avril, le parlement anglais abaissait le droit de sortie sur les houilles, et produisait ainsi une baisse de huit sous. Nous entrons en novembre ; nos principaux établissemens sont-ils ruinés ?

Au reste, ces incroyables terreurs de M. Thiers, terreurs qui n’appartenaient vraiment qu’à lui, la dernière commission des douanes les avait si peu partagées, qu’en présence de cette déclaration si affirmative du ministre du commerce qu’une baisse de sept sous dans le droit pouvait ruiner nos établissemens, la commission proposait précisément cette réduction. « La commission, dit le rapport, page 45, pour satisfaire à un besoin généralement exprimé, propose une diminution d’un tiers sur les droits existans. » Le droit, sur la frontière de mer, est de 1 fr. 10 c. ; la réduction aurait donc été de 35 c.[1].


Que ce soit par les raisons que je viens d’exposer ou par d’autres, il est certain que la tentative de M. Thiers, de donner des bases et une allure

  1. On sait que ce rapport n’a pu être discuté.