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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

intérêts des classes moyennes veulent être aujourd’hui développés par les mêmes violations du droit commun et de la liberté qu’avant 89, à moins qu’on ne soutienne aussi que les passions populaires aujourd’hui sont aussi arriérées que dans les derniers siècles, comment embrasser sérieusement la défense du système restrictif ?


L’administration, celle au moins de juillet, avait un beau et digne rôle à prendre. Les représailles dictées par l’emportement révolutionnaire ou par l’ambition impériale, les fausses mesures imposées par l’esprit réactionnaire de 1815, avaient constitué une situation industrielle et commerciale évidemment contraire aux principes du nouveau gouvernement. Il fallait l’avouer hautement, et proclamer sans détours la nécessaire et irrésistible tendance de nos institutions politiques à l’affranchissement industriel et à la liberté des échanges ; en se donnant le mérite de cette franchise et de cette fermeté, l’administration s’assurait une force immense pour modérer, autant qu’il eût été nécessaire, la transition d’un état vicieux et ruineux à un état régulier et prospère ; pour opérer, sans embarras, sans secousses, l’abaissement successif et patient des droits de douane à l’abri desquels s’étaient établies certaines industries. Quand des principes nets et logiques sont posés, l’esprit public se prête avec une merveilleuse facilité à les appliquer avec lenteur et modération. Nous en avons sous les yeux une preuve assez belle, assez grave ; c’est le ménagement et la patience de l’Angleterre dans sa réforme économique ; le but lui est clairement indiqué ; dès-lors ce qui lui importe, c’est de s’en approcher chaque jour, et non d’y arriver en un jour.

Si l’administration, parmi nous, avait eu la même sagesse et la même fermeté, elle ne se verrait pas aujourd’hui poussée aux mesures violentes pour l’affranchissement industriel, et quelquefois obligée de les provoquer elle-même, comme dans cette subite suppression de la prime à la sortie sur les sucres raffinés, et comme la diminution de la prime à la sortie sur les cotons filés, mesures qui ont eu quelque chose de l’allure révolutionnaire, parce que l’administration n’avait pas osé mettre la discussion sur son vrai terrain.

Non-seulement elle ne l’a pas osé, mais elle a même entièrement perverti la discussion des questions commerciales par sa prétention à présenter le système restrictif comme une théorie scientifique, mûrie par le temps, sanctionnée par l’expérience ; elle n’a pas songé que la présenter ainsi, c’était s’imposer le devoir d’y persister plus que jamais, et dès-lors lui susciter des résistances désespérées. J’ai dit quels avaient été à cet égard