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REVUE. — CHRONIQUE.

au moins spécieuses et apparentes. Certes, parmi eux, il en est un, l’honorable maréchal Gérard, avons-nous besoin de le dire ? que ces déplorables soupçons ne sauraient facilement atteindre ; mais pourquoi donc s’est-il fourvoyé en cette compagnie qu’une si fâcheuse auréole environne, et que n’a point, à beaucoup près, laissée irréprochable la retraite du maréchal Soult ? Comment ne serait-il pas mal à l’aise dans l’atmosphère insalubre de ce conseil, et n’en sort-il pas maintenant quand le cri public l’avertit que la retraite lui est urgente à moins qu’il ne consente à se faire solidaire du poids qui pèse sur la conscience de ses collègues ?

Nous avions dit déjà comment la première idée de l’amnistie, dont il est fait si grand bruit depuis deux mois, avait été suggérée d’abord par M. Decazes et M. Pasquier. Cette idée, nous l’avions dit aussi, n’avait pas été complètement goûtée en haut lieu. Le roi, économe de tout, même de clémence ; le roi, qui est persuadé qu’il ne faut dépenser de cette vertu que le moins possible, et à bon escient, chaque fois qu’on lui en avait conseillé récemment l’exercice, n’avait jamais manqué de fins de non-recevoir à opposer. C’étaient toujours des raisons dilatoires comme celle-ci : — « Ménageons-nous cette ressource et n’en abusons pas. Des circonstances plus opportunes viendront qui nous la rendront mieux applicable. Nous aurons quelque jour des princes à marier ou des princesses, ce serait beau alors de n’avoir point, en l’honneur de leurs noces, des cachots à ouvrir et un nombre raisonnable de prisonniers à relâcher ! » — Or les habiles du conseil s’étaient extasiés devant la justesse de ces prévisions, et estimaient, comme le maître, la clémence pour le moment hors de saison.

Cependant le tiers-parti, qui a parfois de ces estimables velléités, s’est mis en tête de remettre cette idée d’amnistie, si mal en cour et si peu chanceuse. M. le président Dupin, après l’avoir approuvée un jour, et en avoir fait fi le lendemain, y est revenu décidément, et l’a jugée digne de son apostille. M. Dupin a donc pris la plume, et adressé au maréchal Gérard une fort belle consultation d’avocat, qui établissait, en fait et en droit, la nécessité d’amnistier, sans plus tarder, tous les prévenus et condamnés politiques encore vivans à l’heure qu’il est, en exceptant toutefois les prisonniers de Ham. C’était là tout-à-fait abonder dans le sens droit et loyal du maréchal Gérard, qui s’en fut à Fontainebleau, muni de cette idée d’amnistie, revue, corrigée et diminuée par M. Dupin.

Je vous laisse à penser quelle mine dut faire là cette pauvre idée, tombant tout tristement miséricordieuse au milieu des joies et des plaisirs de la cour. On ne lui fit cependant pas trop mauvais visage ; mais comme on jouait alors beaucoup la comédie à Fontainebleau, il s’y prépara tout naturellement aussi une petite comédie à propos de l’amnistie. La répé-