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ITURIEL.


Beethoven composant, Beethoven en délire !
Ah ! quel homme jamais vous le pourrait décrire ?
Ce n’était plus alors le geste ni la voix
Du poète qui pense et dont le front s’incline :
C’était, parmi les siens, gravissant la colline,
Le fils de Dieu portant sa croix.

iii.


Oh ! s’il pouvait un jour te prendre fantaisie
De me venir trouver, ange de poésie !
Car peut-être, qui sait ? la pensée en mon sein
Sommeille sans rien faire, ainsi qu’une onde fraîche
Qui, pour aller mouiller la fleur aride et sèche,
Ne peut sortir de son bassin.

Ituriel ! Ituriel ! bel ange, dans ta course,
Viens éveiller cette eau qui repose en sa source ;
Viens, et peut-être alors que ses flots assoupis
Couleront librement parmi les touffes d’herbes,
Ou monteront au ciel s’épanouir en gerbes,
Pour retomber sur les épis.

Viens, car si, comme un vin dans sa cuve profonde,
L’implacable pensée en nous fermente et gronde,
Il faut à la fournaise une entaille par où
Chaque jour, chaque nuit, se dissipe et s’écoule
Tout ce que le cerveau crée et fond dans son moule ;
Sans cela l’homme serait fou.

Viens, car, durant ses nuits de peines et d’études,
Quand le poète, hélas ! du fond des solitudes,
Ange, t’a bien long-temps appelé, mais en vain ;
Il se lève à l’aurore et rentre dans la vie,
Prend le bras du premier qui passe et le convie,
Qu’il soit infernal ou divin.

Tel fut le docteur Faust, dont Gœthe a fait l’histoire,
Qui, jour et nuit, veillait dans son laboratoire,