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REVUE DES DEUX MONDES.

Atteindre le poète aux sublimes chansons,
Et, mains jointes, assis sous les fleurs et les branches,
Cacher naïvement ses longues ailes blanches
Sous les ramures des buissons.

Et Pétrarque, ravi de ce divin spectacle,
Rendait graces au Christ d’un si gentil miracle,
Et demeurait long-temps en un calme profond,
Heureux de voir ainsi la belle trépassée
Revivre dans le ciel, comme dans sa pensée,
Avec une auréole au front.

Et puis il ramassait aux pieds de sa patrone
Les beaux lis glorieux dont il fit sa couronne,
Fleurs qui ne croissent plus, hélas ! sur nos chemins,
Et que lui distinguait de la terrestre fange,
Aux célestes clartés des yeux du bel archange
Qui le conduisait par les mains.

Et lorsque Beethoven, cet homme de génie,
Ce dieu de la sonate et de la symphonie,
Faisait gémir le Christ sur le Mont-Olivier,
Ituriel, Ituriel, encor dans l’attitude
De l’inspiration, de la béatitude,
Debout derrière le clavier,

Lui versait sur le front la foi, source nouvelle,
Baptême où le Seigneur à l’homme se révèle ;
La foi, rayon divin sans lequel ici-bas
Un artiste n’a point de délire ou d’extase ;
Car comment voulez-vous qu’il s’exhale du vase
Des parfums qu’il ne contient pas ?

Et Beethoven jetait, à larges flots de lave,
La céleste musique en sa poitrine esclave,
Et ses yeux répandaient une morne lueur,
Ses cheveux se tordaient comme fait la couleuvre :
C’était l’artiste tel qu’il faut le voir à l’œuvre,
Pâle et ruisselant de sueur.