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ITURIEL.


Elle va, la semence, où le vent la dirige,
Et, quand sur son chemin elle trouve une tige
Qu’elle peut féconder, alors voilà soudain
Qu’au-dessus de ses sœurs celle-ci croît et pousse,
Emplit l’air d’une odeur plus suave et plus douce,
Et devient l’honneur du jardin.

ii.


Ituriel ! Ituriel ! c’est la forme sacrée
Qui voltige toujours près de l’homme qui crée ;
C’est cet être charmant, cet esprit familier,
Cette dame avec qui l’artiste cause en rêve,
Et qu’il retrouve encor, quand le matin se lève,
Assise dans son atelier.

Il était là quand Gœthe, homme dur et sévère,
Mais poète divin qu’entre tous je révère,
Pensait à Marguerite ; et lorsque Raphaël,
Pâle en son atelier, méditait une teinte,
Ituriel lui venait montrer son aile peinte
Des bleus reflets de l’arc-en-ciel.

Ituriel ! c’est Marie avec son diadème,
C’est la sainte qu’on prie et la femme qu’on aime ;
C’est le son, la parole, et la voix, et l’éclair ;
C’est la source éternelle où l’artiste s’inspire,
C’est tout ce qu’il entend, qu’il voit et qu’il respire,
C’est la fleur, la rosée ou l’air.

Deux jours après la mort de sa dame chérie,
Lorsque Pétrarque allait par la plaine fleurie,
Voyant partout sa Laure occupée à prier,
Tandis que les lilas, les jasmins et les saules
Épandaient leurs cheveux sur ses blanches épaules,
Comme pour la glorifier ;

C’était lui qui prenait le visage de Laure,
Lui, le beau Séraphin, qui venait dès l’aurore