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océan de sang et de flamme. Il n’a qu’à respecter la Seigneurie, il y vivra indépendant de la sueur de son écritoire[1].

L’Arétin connaît le monde ; il a été moine, valet, courtisan, à demi-soldat, bouffon, poète ; il a vu de près cette société de prêtres, de savans, d’hommes de guerre, de gentilshommes, de filles de joie et d’artistes : toutes ses études sont faites. Il sait par expérience que s’appuyer sur la faveur d’un puissant, c’est s’appuyer sur un roseau qui peut se briser et percer la main qu’il supporte. Dorénavant il vivra sans maître. Tant d’adversaires, d’athlètes, de princes couronnés, de vanités avides, de seigneurs glorieux, ne dédaigneront ni ses éloges ni ses injures. À couvert sous l’égide vénitienne, il établira sa banque générale de panégyrique et de satire : la presse est là, toute puissante et docile, qui jettera au loin ses invectives et son encens. À l’œuvre, Arétin ! Nous te suivons à Venise, où finit ta vie d’aventures, où commence ta vie de spéculateur littéraire. Pose-toi là devant nous, grand artiste de mensonge et de prospectus, d’affiches et de proclamations, de flatterie et d’outrage. Que nous sachions un peu comment s’est bâtie et formée ta souveraine puissance.


Ph. Chasles.



(La deuxième partie à la prochaine livraison.)
  1. Voir plus haut.