Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
REVUE DES DEUX MONDES.

flamand[1] venait occuper cette joyeuse chaire de saint Pierre, autour de laquelle s’étaient pressés tant de bouffons, de mystificateurs, de cardinaux galans, de convives aimables et de brillans artistes. Celui-ci n’aimait et n’estimait que la subtilité théologique et la sainteté austère. Il méprisait ces antiques idoles que les sculpteurs choisissaient pour modèles du beau et cette élégance du langage que les payens damnés avaient portée si loin. Adieu aux belles fêtes licencieuses, aux mille plaisanteries rabelaisiennes, aux splendides festins, aux parties de chasse bruyantes, aux combats poétiques, que Léon x animait de sa présence, payait des trésors du Vatican et où lui-même devenait acteur : allez-vous-en, bouffons nombreux, maîtres en l’art de la cuisine, oiseleurs, piqueurs, veneurs, pages, comédiens, parasites, beaux joueurs ! Emmenez vos grandes meutes de chiens, vos décorations de théâtre, vos genêts d’Espagne et votre armée de marmitons, et votre armée de petits poètes, que Léon x lui-même, pour se débarrasser un peu de cet essaim incommode et dégarnir les rangs, faisait fouetter de temps à autre[2] !

En effet tout cela s’envole à l’approche d’Adrien vii ; une nuée d’étourneaux devant le faucon. Sadolet, favori de Léon x, se retire à la campagne. Courtisans de prendre la fuite : l’Arétin fait encore un nouveau voyage de plaisance et de profit. Heureusement ce terrible pape meurt quinze jours après son intronisation ; Jules de Médicis lui succède : ce nom éclatant, le nom d’un Médicis rappelle à Rome toute la troupe des amours, des intrigues, des jouissances, des arts ; l’Arétin est encore là.

Cette fois, il a pris de la consistance, ses rapports avec les seigneurs l’ont tiré de la domesticité servile. Il marche d’un pas plus ferme, « habillé comme un duc, dit le Berni (vesti ducali) » et se mêlant à toutes les orgies des grands seigneurs. Il paie d’audace et de bons-mots ; il raconte agréablement ; il recueille des histoires

    (Gamurrini. Istoria genealogica delle famiglie nobili Toscane ed Umbre, t. 3. 332.)

  1. Adrien vii.
  2. Giraldi de poetis suorum temporum. Il y en eut deux de fouettés en huit jours.