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L’ARÉTIN.

C’était en 1511 : le désordre le plus complet régnait en Italie ; le pape Jules ii régnait le casque en tête. Tout le monde cherchait fortune. Les artistes couraient de ville en ville, la dague au côté, se gaussant des discordes civiles et gagnant leur vie par des chefs-d’œuvre. L’imagination du garçon relieur fut éveillée ; il délogea sans bruit de Pérouse, comme il avait délogé d’Arezzo ; sans argent, sans bagage, se fiant au hasard comme tout le monde faisait autour de lui, voyageant à pied, dormant sur les routes, n’emportant que la chemise qu’il avait sur le dos et se dirigeant vers Rome. Un négociant riche et rival des princes, Agostino Chisi, reçut au nombre de ses domestiques l’aventurier besoigneux. L’Arétin vola une tasse d’argent et disparut. Peu de temps après, il était en service chez le cardinal San-Giovanni, qui essaya de le faire entrer dans la domesticité de Jules ii ; ce dernier ne voulut pas de l’Arétin. Toujours vagabond, il courut la Lombardie, mena une vie assez scandaleuse, se fit capucin à Ravenne, jeta le froc aux orties, et revint à Rome, attiré par le pontificat de ce Léon x, qui promettait une si belle moisson aux intrigans, aux aventuriers et aux artistes. Là s’ouvre la nouvelle vie, la vraie vie d’Arétin.

L’Arétin à la cour de Léon x.

La cour de Léon x ! belle carrière, école féconde ! Il dut pressentir sa fortune, l’aventurier de quinze ans, qui sortait de la boutique obscure de son relieur.

Il devient valet du pape-artiste et passe inaperçu sous sa livrée, au milieu des sculpteurs, peintres, savans, poètes, parasites, fabricans de sonnets, fabricans de satyres, intrigans, controversistes, musiciens, architectes, femmes galantes, courtisanes et abbés qui ressemblent aux courtisanes. Il n’a rien, que son impudence. Pauvre serviteur ignoré, attendant tout de la faveur et du caprice, le garçon relieur, domestique du pape, apprend l’art de demander l’aumône, l’art de flatter et de médire ; toute la science des valets ; il apprend à coudre des rimes caressantes et sonores, aux treize vers d’un sonnet complimenteur et des rimes injurieuses