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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

toutes les habitudes de la vie ont été mêlées au gouvernement, à l’administration générale de la société ; d’où il résulte pour eux une si grande habitude de pouvoir, un besoin si puissant de le seconder, que, sans avoir la servitude salariée des fonctionnaires, ils sont entraînés au même vote par des traditions aussi fortes que des liens d’intérêts. Persuadez, par exemple, au duc de Gaëte que l’opposition grande et décidée est un titre d’honneur et un moyen de gouvernement : il ne vous comprendra pas ; la hiérarchie administrative, c’est de l’obéissance. Or, il en faut pour tout et en tout. Le système constitutionnel est une exception malheureuse qu’il faut subir selon eux, et le réduire à de telles proportions qu’il ne soit plus qu’une machine à argent, qu’une forme qui ne dérange jamais la pensée du gouvernement. Le ministère a toujours bon marché de ces têtes compassées dont toute l’activité intellectuelle est employée à la confection régulière d’un budget.

§. iv. Opposition constitutionnelle.

La chambre des pairs eut une grande époque. Ce fut de 1825 à 1828. Alors, par une élection inconcevable, la chambre des députés était tombée si bas, que l’opinion tout entière s’était soulevée contre elle ; une congrégation mystérieuse et puissante s’était emparée de ses votes, dominait ses délibérations. Tandis que des lois funestes étaient chaque année lancées contre la presse, contre la libre association, et qu’une faction se remuait avec mille bras pour enlacer la société de toutes les intrigues, la chambre des pairs se montra populaire, éclatante de lumière, d’une opposition généreuse. Il faut le dire haut : elle sauva la liberté. D’immenses talens parlementaires se révélèrent à la tribune, des voix de prophétie et d’avenir se firent entendre, la chambre des pairs renversa M. de Villèle. À cette époque d’action, de grande vie intellectuelle et politique, a succédé une atonie complète ; d’opposition constitutionnelle à la chambre des pairs il n’en existe pas ; il y a bien des mécontentemens, mais il n’y a pas de système avec une pensée d’ensemble, ses hommes et ses conditions ministérielles. Et quelle puissance peuvent avoir en effet quelques voix isolées, souvent sans lumières, sans à-propos, telles que celles de MM. Pontécoulant, Boissy d’Anglas et Lemercier ? Tout est parti pris à la chambre des pairs ; il ne peut pas se former en ce moment une opposition qui corresponde à la fraction représentée à la chambre des députés par M. Odilon Barrot ; elle n’existerait que comme voix isolées, sans se grouper comme parti : c’est sous ce rapport que l’opposition constitutionnelle