Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

M. de Martignac osa quelques promotions individuelles, avant de céder son poste à M. de Polignac. Celui-ci était à l’œuvre de ses coups d’état, lorsque la révolution de juillet emporta l’échafaudage de toutes les institutions, et fit table rase devant le peuple.

La pairie s’efface quelques jours, elle reparaît timide, morcelée, et on la frappe tout à coup d’une proscription légale qu’elle est obligée de sanctionner. Tous les pairs créés par Charles x sont exclus de plein droit de la chambre ; et quel motif d’exclure plutôt les uns que les autres ? Pourquoi faire une catégorie ? On tombe dans l’arbitraire pour ne point se donner le souci de constituer largement une seconde chambre dans les conditions de la révolution de juillet. Proscrire n’est point gouverner. Enfin, s’élève la grande question de l’hérédité : la chambre tombe avec grace, se frappe avec un sourire de bonne compagnie ; la voilà maintenant envahie par une fournée, sorte de pêle-mêle doctrinaire où l’on fait entrer comme sommité sociale M. Rousseau, honnête bourgeois de Paris, et comme capacité politique, M. Cousin, monté si haut en fortune par un désintéressement philosophique justement apprécié. Telle est la chambre des pairs actuelle ; ai-je donc besoin de dire que le parti ministériel y est immense et forme la grande masse des opinions ? J’y distingue trois bancs : scientifique, militaire et administratif.


Banc scientifique. — Ce fut une idée généreuse sans doute de ranger la science dans les aptitudes à la pairie. Il est essentiel que les hommes qui ont acquis de grands titres dans les lettres, dans les arts et dans les sciences soient appelés aux hautes fonctions administratives ; Napoléon avait fait sénateurs MM. Chaptal, La Place ; la restauration les conserva, et nous sommes heureux de voir siéger sur les bancs de la pairie des hommes de la capacité de M. de Sacy ; la chose serait plus contestable à l’égard de MM. Thénard et Cousin. Sont-ils placés tellement haut ou si avancés dans la vie sociale et politique qu’ils aient mérité une si belle récompense ? on a voulu sans doute récompenser en eux d’autres services. La vie active de M. Cousin, cette existence peu philosophique d’antichambres et de salons où on le rencontrait sans cesse, ce besoin de lustre, d’hommages et de canapés qui se concilie si peu avec les ombrages de l’Académie, la vie solitaire de Kant, les déserts et les échos de Pythagore, quelques missions de confiance pour les affaires matrimoniales de la dynastie en Allemagne, pour lesquelles on s’était offert avec une si affectueuse domesticité, voilà sans doute ce qui a mérité à M. Cousin le patriciat, un peu plus que des études modestes sur le moi humain, sur l’amour et les suavités de la science, Mais en rendant hommage à