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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

§. ii. tiers-parti.

La chambre des pairs était encore tout étonnée, au commencement de sa dernière session, de la levée de bouclier de M. Villemain. M. Pasquier craignit même de le désigner pour la commission de l’adresse. Je ne pense pas toutefois que cette tentative d’opposition aille bien loin : peut-être M. Villemain a-t-il seulement voulu prouver qu’il ne se séparait pas complètement du progrès, et secouer cette enveloppe ministérielle qui consumerait les derniers débris de sa popularité ; car supposer que M. Villemain puisse devenir un homme politique, une tête de parti organisé, ce serait méconnaître son caractère et la portée de son esprit : il peut avoir des velléités d’indépendance, un besoin de retentissement et de publicité ; sa vie littéraire veut l’éclat et le bruit ; mais il faut rendre cette justice à M. Villemain, qu’à toutes les époques de sa fortune, il est resté esprit d’académie et de littérature. Il ne saurait avoir la prétention d’attirer à lui un parti, et de grouper des opinions fortes et indépendantes ; cette prétention serait au-dessus de ses forces, incompatible avec les antécédens trop mobiles de sa vie politique. M. Villemain fut jeté dans l’administration par un laurier de l’Institut qu’il déposa en 1814 aux pieds des trois souverains qui assistaient à la séance où il fut couronné. Je crois qu’il s’agissait de l’éloge de Montaigne ; et à cette occasion, avec cette pompe toute académique de mots et de pensées, M. Villemain fit l’éloge de l’alliance qui avait délivré la France du joug de Napoléon. Ces éloges de l’invasion, ces mépris pour la puissante tête qui fléchissait sous la fortune étaient du goût de l’époque ; je n’en fais pas un crime. En 1815, M. Villemain fut attaché au ministère de la police sous M. Decazes, puis arriva avec son protecteur au ministère de l’intérieur. M. Villemain était jeune encore ; tout plein du grand siècle, des idées d’une protection à la Colbert, de ses mépris pour les pamphlétaires, comme à Versailles d’autrefois pour les gazetiers hollandais, il eut ses petites tyrannies sur les journaux, qui furent suspendus, supprimés par de simples décisions ministérielles. Le directeur de l’un d’entre eux conserve encore une lettre qui supprime jusqu’à nouvel ordre le journal qu’il dirigeait ; c’est un autographe curieux à recueillir, dans une époque où d’autres et plus généreux sentimens font vibrer le cœur du pair de France. M. Villemain resta avec honneur fidèle à ses amitiés pour M. Decazes, et sortit avec lui du ministère. Ce fut alors son époque littéraire : Cromwell parut, puis Lascaris, froides productions qui voulurent servir les émotions politiques