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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

bord celui qui existe. Jusque-là l’opposition légitimiste ne sortira pas du cercle de dix à douze voix.

Il n’en est pas de même du parti tory ou conservateur qui se sépare par des nuances si imperceptibles de l’opinion ministérielle. Le rôle qu’a pris le baron Mounier dans la chambre a besoin d’être expliqué. M. Mounier, est homme de restauration, quoiqu’il ait commencé sa vie avec l’empire, et à côté de cette grande épée qui en dirigeait les hautes destinées ; secrétaire interprète de Napoléon, il fut, jeune encore, attaché à la carrière politique du duc de Richelieu qu’il aida dans les négociations financières avec les alliés, et qu’il suivit ensuite au congrès d’Aix-la-Chapelle. La nature du caractère de M. Mounier le rattache à toute administration régulière. Il a de l’esprit, une instruction variée ; mais il voit souvent les choses par leur petit côté et les questions politiques sous un jour étroit et tout matériel. C’est peut-être un vieux souvenir de la direction de la police, qu’il occupa une ou deux années. M. Mounier est aigri contre le système actuel, mais il n’exprime ses ressentimens qu’avec des ménagemens infinis ; sa nature n’est point de se faire le chef d’une opposition bruyante et dessinée, attaquant tout pour tout détruire ; il saisit les lois et les mesures par des points de détails, et, s’il émet quelques principes, il les rattache à ses souvenirs de la restauration, dont il s’est fait comme l’expression animée. À la tribune, il a la parole facile, mais trop abondante : c’est un flux de mots rendant avec clarté des idées simples et sans aucune élévation ; M. Mounier n’est point un homme politique ; ce serait un admirable secrétaire d’état dans la vie ordinaire d’un gouvernement régulier.

La haute position financière du comte Roy a déterminé sa place dans la chambre. Il était impossible qu’un des grands propriétaires de France n’allât pas à un gouvernement quel qu’il fût, pourvu qu’il protégeât la propriété. Cependant le comte Roy conserve dans ses idées quelques souvenirs d’une position ministérielle éteinte ; sa présence à la chambre est une lutte perpétuelle contre ce qu’il appelle les innovations destructives. Comme le comte de Saint-Cricq, ce grand créateur de systèmes de prohibition et de protection, il a des idées arrêtées en matière industrielle. Ainsi, vous ne feriez jamais adopter au comte Roy une modification à notre régime des douanes ; propriétaire de grandes forêts, d’usines importantes, il s’est fait le défenseur du droit industriel contre le mouvement des esprits qui pousse à la liberté du commerce. La propriété est devenue pour lui une manie ; chaque année il ajoute mille arpens de bois à ses forêts, qui couvrent déjà plusieurs départemens. Je ne puis comparer à cette fortune forestière que celle du marquis de Louvois, l’élégant