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Boissy, Louvois, Roy, et vingt autres pairs que je pourrais nommer, sont assez belles pour représenter la grande propriété dans la pairie. Ce n’est donc pas la fortune qui manque à la chambre haute, mais les conditions du pouvoir politique, c’est-à-dire l’existence au dehors et parmi les masses, un caractère d’indépendance forte et généreuse qui la mette en rapport avec les lois de la société telle qu’elle existe. Capacité d’affaires, existence de fortune, la chambre des pairs les possède, cela suffit-il toujours pour l’action des corps politiques ?

Par la nature même de ce pouvoir et la position qu’il a prise, il doit offrir bien moins de nuances que la chambre des députés. Dans un scrutin décisif, la chambre des pairs n’a jamais compté plus de vingt billets de rejet ; il n’existe là qu’un petit nombre de membres à opposition systématique et formelle ; tous louvoient avec le pouvoir, n’en sont pas trop ennemis ; et si on en excepte quelques uns, lorsqu’ils l’attaquent, ils le font avec tant de courtoisie, avec un fer tellement émoussé, que les blessures ne sont ni profondes, ni incurables : il y a toujours ressource pour en guérir. On peut considérer les divisions qui existent à la chambre des pairs sous deux rapports : 1o  d’après l’attitude politique qu’ont prise les différens membres depuis la grande secousse de juillet, 2o  par l’ordre de leur promotion ; et c’est sous ce double point de vue que je vais suivre la statistique générale de la chambre.

En première ligne s’offre, d’abord comme parmi les députés, la nuance légitimiste ; elle est ici nombreuse, et si l’on ne distinguait pas les légitimistes d’action, de ceux qui ne le sont que de souvenirs, d’affections et pensées, elle embrasserait bien le tiers de la chambre des pairs. Je définis les légitimistes comme parti, ces membres actifs exprimant leurs doctrines sur la brèche, attaquant avec vigueur le principe et les hommes de juillet ; et dans cette catégorie je place trois chefs principaux : MM. de Brézé, de Noailles et le vicomte Dubouchage.

La seconde nuance que j’appellerai de tories, ou de conservation, est plus nombreuse ; elle fait de l’opposition au pouvoir non point à cause du roi qui règne, de la famille qui tient le sceptre, mais à cause de l’origine et de la marche du gouvernement qu’elle considère comme destructive des droits acquis, du principe même de la sociabilité, et par ce principe elle entend la vieille société avec ses théories de conservation et ses préjugés protecteurs. On peut comprendre dans cette catégorie MM. Mounier, Roy, et plusieurs des anciens membres de ce qu’on appelait le ministère Richelieu.

Une troisième nuance, partageant les mêmes principes, est plus spécialement rattachée au ministère ; celle-ci ne se borne pas à défendre sim-