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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

ment constitué comme la pairie anglaise peut servir d’obstacle, parce qu’il est une grande puissance, et qu’il remplit une mission ; mais la chambre des pairs en France, décimée, complice de son propre suicide, ayant, dans toutes les circonstances, montré une timidité extrême, une déférence absolue pour tous les systèmes, comment cette chambre oserait-elle encore se présenter comme une autorité aristocratique, voulant jouer un rôle de résistance contre un progrès qui la dépasse ? Il n’y a dans la chambre des pairs ni ducs de Wellington, ni comtes d’Aberdeen, ni Londonderry, avec des villes, des vassaux, des bourgs entiers à leur disposition, soutenus dans la chambre basse par une minorité influente de talens et de services. Quand on prétend reconstituer le pouvoir, il faut d’abord être soi-même un pouvoir, et pour cela il ne suffit pas que la constitution ait écrit dans ses articles qu’il existe une chambre des pairs ; il faut encore qu’aux yeux des masses, que dans le mouvement des idées, la pairie soit réellement quelque chose ; et je le demande, fait-on entrer le moins du monde le vote de la chambre des pairs dans les calculs des probabilités pour le triomphe ou pour la chute d’un système ?

La chambre des pairs a senti sa position précaire, quand elle a subi avec résignation l’abolition de l’hérédité. Où a-t-elle couru se placer ? derrière le pouvoir royal et ministériel. Aucun acte de fermeté et d’opposition, aucun projet de loi n’est sorti de ses mains qu’après avoir reçu une approbation absolue ; et si quelquefois elle a modifié les actes émanés de l’autre chambre, si elle a repoussé le divorce, maintenu l’anniversaire du 21 janvier, c’est qu’ici elle agissait de concert avec la couronne ; c’est qu’elle savait qu’en contrariant la marche des députés dans des questions qui touchaient à la conscience religieuse, aux souvenirs historiques, elle plaisait à une cour qui conservait et protégeait ces principes.

On a souvent écrit que ce qui manquait à la chambre des pairs, pour exercer une haute influence, c’était la fortune territoriale ; on s’est trompé, car la chambre des pairs est encore la réunion des grandes existences du pays, bien entendu que je comprends dans ce calcul les pairs expulsés depuis la révolution de juillet, et que la restauration avait fait entrer dans la chambre héréditaire. Sans doute la pairie française ne peut pas être comparée aux colossales existences de la chambre des lords ; je pourrais citer de nobles membres de très haute et très grande maison qui vivaient au grenier, ayant dévoré d’avance la dotation de 12,000 fr. que leur faisait la couronne. Il y avait même un bon cousin de Louis xviii, écrit de sa main sur la promotion de M. Decazes, à qui on était obligé de payer sa pension jour par jour, afin qu’il pût déjeuner, dîner, et s’abriter autre part qu’à Sainte-Pélagie. Toutefois les fortunes de MM. d’Aligre, de