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leries selon votre bon plaisir ; vous ne savez donc pas, mon cher M. de Villèle, que le Luxembourg nous a été donné en dotation par une loi ? — Par une loi ! s’écria M. de Villèle, c’est différent : eh bien ! alors abattez quelques pans de murailles. Plusieurs d’entre vous se plaignent, il leur faut de l’air. — Et de la voix ou des voix, dit en riant le grand référendaire. — Quelques jours après parut la grande ordonnance qui nommait soixante-seize pairs de France, pris dans ce que la chambre septennale avait de plus dévoué, et la gentilhommerie provinciale et religieuse de plus pur ; on leur trouva des siéges, et la pairie de France continua d’étouffer dans la salle étroite et étriquée du directoire.

Si vous assistiez jamais à une des séances de cette chambre, vous n’y trouveriez rien qui ressemble aux débats animés, à la manière bruyante et plus pittoresquement dramatique de la chambre des députés. Les discussions de la chambre des pairs sont graves ; on s’y permet rarement l’interpellation, les personnalités ; on y parle de son siége, on ne se pose pas comme orateur de profession à une tribune haute et saisissante ; on imite tant qu’on peut la chambre des lords en Angleterre. Il existe parmi les pairs une science générale d’affaires ; les chefs de chaque nuance d’opinions ont presque tous passé à travers l’administration et la politique, et ils y ont acquis une connaissance plus parfaite des évènemens, des choses et des hommes. Il y a là une répugnance invincible pour le progrès quand il dépasse certaines bornes de perfectibilité, de repos ; quand il tourmente les existences vieillies et les préjugés acquis. Donnez une haute question de diplomatie, de finance, une spécialité politique ou militaire à débattre à la chambre des pairs, elle y sera éclairée de lumières soudaines et supérieures. Faut-il préparer une loi de détails, sortant des besoins philosophiques et du mouvement des sociétés, un code de marine, des lois de police, une organisation de finance ou d’armée, vous verrez des talens spéciaux s’en charger : pour les finances, MM. Roy, Mollien ; pour la guerre, MM. de Caux, d’Ambrugeac, le maréchal duc de Tarente ; pour la marine, les vieux débris des escadres de la Méditerranée et de l’Escaut. Mais prenez ces têtes parfaitement organisées pour le détail, demandez-leur de s’élever jusqu’à l’examen du mécanisme général de la civilisation, jusqu’aux grandes théories qui préparent l’avenir des peuples, les larges voies de l’industrie ; alors vous rencontrerez des peurs, des obstacles invincibles, des esprits qui ne comprennent pas, des intelligences qui n’aperçoivent rien au-delà de ce système de conservation ; matérialisme vieilli qui lutte contre la haute destinée des sociétés.

Sous ce rapport, je crois que la chambre des pairs n’est pas en harmonie avec les nécessités imposées par le mouvement de juillet. Un corps forte-