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et le rôle qui conviennent le mieux à un roi constitutionnel ; mais qu’eussent fait les ministres anglais si, au lieu de George iii le farmer, comme on le nommait, occupé uniquement de sa basse-cour et insensé plus tard ; de George iv, livré à la table et à ses maîtresses ; de Guillaume, esprit calme et tranquille, vieille jaquette bleue qui se plaît dans la retraite et le repos, le trône d’Angleterre eût été occupé par un prince laborieux, actif, qu’on nous passe le mot, intrigant, amoureux de négociations secrètes, d’affaires publiques, de menées diplomatiques, et par-dessus tout, ne s’en rapportant qu’à lui-même des soins du gouvernement ? Ils eussent sans doute protesté par leur retraite ; mais le moyen d’échapper à l’influence d’un tel caractère, quand il se trouve en possession du trône ? L’Angleterre l’eût subi, et peut-être ne s’en fût-elle pas trouvée plus mal que la France.

Nous ne pensons pas que la couronne veuille se soustraire à la responsabilité dont elle a pris en quelque sorte le poids par l’initiative qu’elle s’est attribuée dans le conseil. Il n’est pas dans la nature d’une capacité de repousser les suites de ses conceptions, et la capacité qui préside depuis long-temps en réalité le conseil des ministres n’en est pas en ce moment à regretter ses actes. Tout paraît lui réussir, et il semble que chaque jour les embarras s’éloignent. Les émeutes ne sont plus qu’un souvenir, les affaires commerciales renaissent par toute la France, et y répandent une sorte de prospérité ; les partis, comprenant que leur avenir est dans les chambres, et qu’ils ne feront de progrès dans l’opinion qu’en se servant des moyens d’influence que leur donne la constitution, les partis, qui ont encore quelque consistance, ont renoncé à se servir d’autres armes. À l’extérieur, la quadruple alliance se consolide, et de nouveaux liens s’établissent chaque jour entre la France et l’Angleterre. L’Espagne, soustraite pour toujours au pouvoir de la Sainte-Alliance, donne bien quelques inquiétudes d’un autre genre : on craint que l’esprit révolutionnaire n’y grandisse trop rapidement, et ne franchisse les limites entre lesquelles on le maintient de ce côté des Pyrénées ; mais on est fort et habile, et l’on commence à se reposer sur son habileté. Ne parlait-on pas récemment d’un mariage projeté entre l’infant fils de don Francisco et une princesse d’Orléans, dans le cas d’une déchéance de la jeune reine ? On a aussi un prince à jeter en Portugal, et dans la main encore libre et vacante du duc d’Orléans se trouve le germe de quelque grosse alliance, que cette habileté qui résout tout fera certainement éclore. Tout va bien enfin, ou semble bien aller, et encore une fois ce n’est pas ce moment qu’on choisira pour abandonner le timon des affaires aux mains des ministres, ou même pour décliner la responsabilité dont on veut charger cette tête royale si vive et si agissante.

Cependant un point sombre se montre à l’horizon : ce n’est ni la ténacité que met don Carlos à se faire traquer par Rodil, ni la note remise par M. de Werther au sujet du retrait de l’exequatur du consul prussien à Bayonne, encore moins la banqueroute de l’Espagne ; mais bien l’avènement si heureux, si à propos et si vanté par tout ce qui tient au pouvoir, du maréchal Gérard à la présidence du conseil. Dans ce fait, nous ne voyons