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REVUE. — CHRONIQUE.

ne le veut-elle pas ainsi ? et la charte nous a promis une loi de responsabilité ministérielle qui viendra tôt ou tard, — peut-être.

L’opposition libérale n’entend pas de cette oreille. Elle conçoit aussi qu’il plaise au roi de gouverner, si c’est là son bon plaisir, et s’il se sent capable de mieux gouverner que ses ministres ; mais elle veut alors que le roi se résigne à être attaqué, elle veut qu’il souffre les inconvéniens du mode de gouvernement qu’il adopte : elle demande qu’il ne cumule pas l’irresponsabilité, l’impunité, pourrait-on dire, qui est attribuée au souverain constitutionnel, et le droit d’agir, de décider seul dans toutes les affaires. Enfin elle veut que la royauté, devenue agissante, descendue de son plein gré dans l’arène, et mêlée aux combattans, se dépouille de l’armure impénétrable dont le respect des peuples l’a couverte, et qu’elle lutte à armes égales. Enfin, dans ce duel d’intérêts, le parti populaire demande sa part du terrain et du soleil ; mais nous doutons qu’il l’obtienne.

L’opposition royaliste a cherché, avec son habileté ordinaire, à tirer parti de cette discussion. Il y a des choses incompatibles, dit-elle, l’irresponsabilité royale a suivi la royauté que vous avez chassée, celle que vous avez rendue responsable des ordonnances signées par ses ministres. La royauté révolutionnaire voudrait être irresponsable qu’elle ne le pourrait pas. Elle le sait, et elle veut au moins s’asseoir au gouvernail, car elle voit bien qu’elle sombrerait avec le navire ministériel, s’il prenait mal le vent. Le principe de l’irresponsabilité royale a été foulé aux pieds dans la personne de Charles x. Il ne peut être relevé que par une réhabilitation solennelle et complète. Donnez cette satisfaction aux principes, ou n’en parlez plus. Rétablissez la branche aînée, ou acceptez la branche cadette avec toutes les conditions d’un gouvernement révolutionnaire, c’est-à-dire un roi qui réponde des actions de ses ministres, et qui veuille, par conséquent, agir, tout faire, tout voir par lui-même. D’après ce raisonnement, le régime constitutionnel n’existerait plus en France depuis le jour où les ordonnances de Charles x contre la Charte n’ont pas été exécutées.

Les journaux anglais ne sont pas restés neutres dans cette polémique. Ce sont des raisons en quelque sorte domestiques qu’allèguent la plupart d’entre eux pour motiver la manière dont s’exécute le gouvernement représentatif en France. Le roi des Français aura beau faire, disent-ils, ses ministres l’ont aidé à prendre la couronne ; ils ont beau s’appeler ses fidèles sujets, ils ne sont pas moins ses amis, ses commensaux, ses compères. Le roi ne pourra jamais obtenir qu’ils le placent sur un autel, et qu’ils s’agenouillent devant lui. Il sera forcé de s’asseoir avec eux en conseil, de discuter, de proposer, d’influencer, de gouverner en un mot. En Angleterre, la place du roi est trop haut pour qu’il se mêle aux partis, son droit est consacré par des siècles et par d’admirables usages. Jamais les ministres ne discutent devant lui ; il ne connaît les affaires que par le résultat des délibérations du cabinet qu’on vient soumettre à sa sanction, et alors il décide, mais sans être influencé par la chaleur d’une discussion, sans que sa présence ait gêné la franchise d’un de ses ministres, ou que le désir de lui plaire et de faire des progrès dans son esprit les ait entraînés dans une manifestation contraire à leur propre pensée. C’est là, en effet, la position