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LETTRE SUR L’ÉGYPTE.

que ses premiers habitans appelaient la religion pure ; le peuple égyptien est un peuple de son choix, et peu s’en faut qu’il ne lui donne la préférence sur le peuple de Dieu ; en relisant ce que Bossuet nous dit de l’antique Égypte, de ses arts, de ses institutions, de ses monumens, on voudrait être un sujet de Sésostris ; que dis-je ! j’aimerais mieux vivre dans la vieille Thèbes telle qu’il nous la représente, que dans la triste cité de Sion que nous venons de visiter. Quand on a lu le tableau si poétique de Bossuet, et qu’on descend des temps antiques à ce qui se voit aujourd’hui, on reste surpris et désolé du contraste.

Nous n’étions pas loin des pyramides, et nous nous attendions à les voir à chaque moment ; à la fin, je n’ai plus feuilleté nos livres, je n’ai plus interrogé nos anciens voyageurs que pour savoir ce qu’ils en ont dit, car pour voyager avec fruit, il faut d’abord étudier ce qu’on va voir, il faut étudier ensuite ce qu’on a vu. On ne peut se faire une idée de tout ce qui a été publié sur les pyramides : ce monde que Dieu a livré aux disputes des philosophes n’a pas été l’objet de tant d’explications, de commentaires et d’hypothèses. Les pyramides sont-elles des tombeaux, des temples ou des observatoires ? Voilà trois questions qui seules ont enfanté de gros volumes ; pour quelle opinion nous déciderons-nous ?

Si nous en croyons Hérodote, les pyramides ne peuvent avoir été des temples, car le roi Chéops, qui bâtit le plus remarquable de ces monumens, fit fermer tous les temples d’Égypte ; les moyens employés pour construire l’une des pyramides de Giseh ne vont guère non plus avec les idées de la piété : Hérodote nous apprend qu’elle fut l’ouvrage de la fille de Chéops, et que cette princesse, d’après le conseil de son père, exigeait pour cela, de chacun de ses amans, quelques blocs de marbre ou de granit. Les pyramides sont-elles des observatoires ? Cette opinion ne paraît pas plus vraisemblable que la première. Il y a des gens, même parmi les savans, qui se persuadent qu’on bâtit un observatoire pour être plus près du ciel, et pour diminuer l’espace qui nous sépare de la voûte étoilée ; mais il ne s’agit que de s’élever au-dessus des vapeurs qui couvrent la terre, et d’avoir un horizon découvert ; dans un pays comme l’Égypte, où le ciel est presque toujours pur, on n’avait pas besoin de se placer sur les lieux élevés. Si les pyramides avaient été