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Dans la solitude de Scetté que les légendes appellent la Montagne-Sainte, on trouve encore quatre couvens habités par des moines cophtes ; le voyageur Sonnini les visita vers la fin du siècle dernier, « Je ne crois pas, dit-il, qu’il y ait sur la terre une position plus horrible que celle du principal monastère de Natron ; bâti au milieu du désert, ses murs quoique fort hauts, lorsqu’on les aperçoit d’un peu loin, ne se distinguent pas des sables, dont ils ont la couleur rougeâtre et la sauvage nudité. Nul chemin n’y conduit, nulle trace d’un être vivant ; le couvent n’a qu’une porte étroite qu’on n’ouvre presque jamais ; on y entre par-dessus les murs, en se faisant tirer avec des cordes. La règle des moines est très austère ; ceux qui veulent la suivre sont conduits dans l’église : là, on étend sur eux un drap mortuaire en récitant les prières des morts ; il ne se fait pas d’autres cérémonies ; les chrétiens du Delta et des rives du Nil vont souvent en pélerinage au couvent de Saint-Macaire. »

La navigation du Nil n’est pas sans danger, surtout dans la saison où nous sommes. Nous avons eu souvent les vents contraires, et souvent la tempête s’est élevée sur notre passage ; le kamsin a deux fois rassemblé autour de nous des tourbillons de sable, et nous a forcés de chercher un abri derrière une côte escarpée ; mais ce que nous redoutons plus que le kamsin, ce sont les brigands qui habitent certains villages du Nil ; tous ces villages sont connus de nos mariniers, qui évitent prudemment de s’arrêter dans leur voisinage pendant les ténèbres de la nuit, et qui nous avertissent souvent de nous tenir sur nos gardes. Les Arabes voleurs épient les bateaux qui passent, surprennent les voyageurs dans leur sommeil, les dépouillent, et quelquefois leur ôtent la vie. Parmi les faits les plus récens qu’on nous a racontés, j’ai retenu celui-ci : Un marchand d’Alexandrie, après avoir amassé au Caire quelques milliers de piastres, se retirait dans sa patrie avec son petit trésor ; étant descendu à Terranéh, il eut l’imprudence de parler de la somme qu’il emportait avec lui. Lorsqu’il fut rentré dans sa barque, et que la nuit eut couvert le Nil de ses ombres, des coups de fusil se firent entendre ; le rivage répéta des cris plaintifs, c’était le marchand d’Alexandrie qu’on avait assassiné. Méhémet-Ali a fait depuis long-temps la guerre à ces pirates du Nil ; plusieurs de leurs