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tution, est Mehallet-el-kibir, située à quatre lieues de la branche de Damiette, non loin de Mansourah et de Sémanour ; elles choisissent une matrone à laquelle elles obéissent, et qui les envoie par détachemens dans les bourgs et les villages du Delta.

Les courtisanes que nous avons vues à Nadir doivent se rendre à la foire de Tentah, qui s’ouvrira dans la première quinzaine d’avril ; Tentah est un gros bourg, situé à quatre ou cinq lieues de Nadir, dans l’intérieur des terres. Là est le tombeau du santon Saïd le bédouin, qui est en grande vénération parmi les Égyptiens ; les femmes surtout vont implorer le saint musulman, pour ne pas demeurer stériles, et lui sacrifient jusqu’à la pudeur de leur sexe, jusqu’à la fidélité conjugale ; il y a dans le bourg de Tentah des maisons bâties tout exprès pour la réunion mystérieuse des deux sexes, et pour faciliter en quelque sorte les miracles qu’on demande au santon. La foire est ouverte par le grand cheik du Caire, qui fait la prière dans la mosquée ; le katchef de la province y vient en personne, pour veiller au maintien de l’ordre, et pendant tout le temps que dure la foire, il est campé sous des tentes vertes. L’affluence des étrangers reste en dehors de la ville : d’un côté, des boutiques formées de branchages ou de toiles tendues, étalent toutes sortes de marchandises et se prolongent sur deux rangs dans la plaine ; de l’autre, la campagne est couverte de pavillons élégans, de tentes de roseaux habitées par des courtisanes et des almées. Cette foire dure quinze jours ; au bout des quinze jours, une seconde foire, qui est comme une continuation de la première, s’ouvre dans un autre bourg à trois lieues de Nadir, en descendant le Nil. Dans ce dernier bourg, est un autre santon, nommé Ibrahim-el-Soukgy, qui n’est pas moins révéré que le santon Saïd le bédouin ; on fait dans ce lieu les mêmes pélerinages qu’à Tentah ; on y retrouve la même affluence de marchands, de courtisanes, de dévots musulmans ; tous ces pélerinages, toutes ces réunions moitié religieuses, moitié profanes, ressemblent beaucoup à certaines solennités de la vieille Égypte ; on célèbre aujourd’hui la fête de Saïd le bédouin et d’Ibrahim-el-Soukgy, comme on célébrait autrefois celle de Sérapis à Canope et celle d’Isis à Bubaste.

Nadir est sur la rive orientale du Nil. Rentrés dans notre bateau, nous nous sommes rapprochés de la côte occidentale ; les monceaux