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dit de protection fut l’exception, que l’on accordait sous la condition de n’en faire qu’un usage presque inaperçu. La restauration est entrée bien plus avant encore dans cette voie funeste, et les principes anti-économiques, soutenus, pendant quinze ans, à la tribune publique, ont tellement survécu que les hommes qui arrivent au pouvoir s’empressent à l’instant même d’abjurer les opinions contraires qu’ils ont pu émettre, ou de les rendre nulles dans l’application. Le propriétaire du sol, tout-puissant par l’effet de notre constitution, considéré comme ayant seul intérêt dans la chose publique, n’a vu, dans le pouvoir dont il dispose, que la faculté de procurer aux produits d’où il tire son revenu, une plus haute valeur, en les gardant de toute concurrence contre ceux de l’étranger. Il n’existe plus aujourd’hui de distinction entre les matières premières et les objets destinés à des consommations immédiates. On a frappé la houille, le fer, les outils, la laine, le coton filé dont on n’avait pas quantité suffisante, tout aussi bien que les toiles blanches, les calicots, les draps. Les manufacturiers, froissés par des surtaxes, se sont plus que jamais réfugiés sous le couvert des prohibitions. Ils voient le bénéfice des marchés étrangers leur échapper et n’osent cependant solliciter la levée des obstacles qui se trouvent devant eux ; ils redoutent que cette mesure ne soit étendue plus loin, et manquent de confiance en eux-mêmes, pour soutenir la concurrence étrangère même à l’abri d’un droit élevé. Pourquoi cela ? C’est que presque tous, excités par les expositions publiques, ont voulu travailler pour les riches seulement, et qu’un petit nombre des articles destinés aux classes inférieures égale en bonté et en qualité les fabrications analogues de l’étranger. C’est cependant dans les productions à bas prix, quand le fer et la houille auront été affranchis, quand la laine sera taxée comme en Angleterre à 22 fr. les 100 kil., quand le coton filé fin paiera seulement un droit égal à la prime de fraude, c’est, disons-nous, dans les productions à bas prix à l’usage des masses, que l’industrie française doit chercher son salut.

Nous n’attachons pas une importance trop grande aux chiffres que nous avons employés. La statistique fournit des faits sur chacun desquels il y aurait des considérations particulières à établir. En nous en servant, nous n’avons voulu que faire remarquer leur tendance générale, et peut-être établir plus nettement des idées qui s’expriment moins facilement d’une manière abstraite. Un peuple intelligent, éclairé, ami des arts, comme on l’est en France, peut donc passer à côté du but par l’amour même du bien. On a beaucoup loué à l’exposition de 1834 ceux qui ont fait des choses merveilleuses. Eh bien ! nous, nous faisons remarquer par la comparaison des deux commerces, de France et d’Angleterre, se rencontrant sur un