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DE L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE EN FRANCE.

tils, et que les fortunes ordinaires ne peuvent atteindre à des choses fabriquées avec des élémens si coûteux.


Le goût du dessin, dans les tapis, offre les nuances de l’époque de transition dans laquelle nous nous trouvons. Le dessin régulier et encadré de l’ancienne fabrique d’Aubusson, la façon de Perse, l’imitation du cachemire, l’époque des Valois et celles de Louis xiv et de Louis xv concourent à cette heure et se sont trouvés en présence à l’exposition de 1834. La même indécision se fait remarquer dans la fabrication des meubles, et des ouvrages d’ébénisterie. Les formes sévères et classiques de la république, la surcharge de dorures et d’ornemens de l’empire ont disparu pour céder la place à un retour vers les siècles écoulés. Tel fait de la marqueterie, un autre de la rocaille, et de l’ornement comme au milieu du xviiie siècle ; quelques-uns se passionnent pour les incrustations et les grandes formes de Boule. Remontant au-delà, un artiste ingénieux et habile a reproduit d’une manière élégante, mais avec un scrupule d’imitation peut-être trop servile, les fauteuils carrés et solides de Louis xiii, aussi bien que les colonnes torses, les franges et les tentures brillantes du lit de Marie Stuart, alors qu’épouse de François ii elle ajoutait par ses charmes à toutes les séductions de la cour des Valois. L’ogive même, accompagnée de ses fragiles découpures sous le nom de genre cathédrale, est entrée dans la lice et a retrouvé des partisans. Le discernement, nous devons le dire, n’a pas toujours présidé au choix de l’ouvrier, et nous ne saurions nous en étonner quand les artistes qui doivent l’exemple et le conseil font si souvent fausse route.

Le commencement du xvie siècle, de ce grand et beau siècle à qui nous devons tout ce que nous sommes, et surtout la liberté de la pensée, source de toutes les autres libertés, a reçu le nom de la renaissance. Les arts sortant de la barbarie se trouvèrent comme par enchantement au niveau de toutes les merveilles que l’antiquité avait léguées au monde civilisé. D’heureuses découvertes, en rendant à la lumière les prodiges de l’art ancien, firent éclore l’art nouveau ; mais les hommes de génie de cette mémorable époque ne se crurent pas obligés de copier minutieusement les travaux de leurs ancêtres. Ils regardèrent autour d’eux les besoins nouveaux que le culte, la civilisation dans la vie domestique, la guerre et les sciences avaient enfantés, et ils y approprièrent leurs plans et leurs dessins. Ce n’est point alors que voulant construire une église, on eût pris pour type le temple d’Antonin et Faustine tronqué et mutilé, surmonté enfin d’une espèce de cheminée percée à jour, destinée, dit-on, à un clocher, et qui fait de l’édifice la chose la plus ridicule qui se puisse voir. On au-