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DE L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE EN FRANCE.

qui au fond des départemens exercent le patronage des industries auxquelles l’existence de nombreuses familles est souvent attachée. Un accueil gracieux, de douces paroles, des concessions long-temps ajournées, mais que l’occasion fait accorder, l’espoir d’honorables distinctions, dont l’obtention satisfait l’amour-propre ou l’intérêt, tout cela adoucit bien des préventions, calme bien des irritations ; et le système du ministre, car le principe du pouvoir n’est pas en question, ce système qui, à distance, avait paru si mauvais, finit par se trouver passable et par recueillir le vote de l’industriel qui cependant comptait le refuser.

Nous trouvons donc aisément le motif qui décide le gouvernement à ouvrir une exposition à une époque donnée ; les raisons que les fabricans ont d’y paraître sont d’une nature plus variée. Il est douteux pour nous qu’une semblable institution eût du succès dans un pays dont la production a pour double mobile la consommation du pays et celle des contrées éloignées, en Angleterre par exemple. Cette partie de la fabrication qui est destinée à l’exportation est souvent le résultat de renseignemens pris avec beaucoup de difficulté et à grands frais. Des indications spéciales deviennent une propriété dont la communication ferait disparaître le prix. Tel autre fabricant perfectionne laborieusement les machines qui diminuent le coût du travail, et ne peut désirer de transmettre à ses concurrens le fruit de ses méditations et de ses dépenses. L’Angleterre n’a donc pas d’expositions industrielles ; mais le voyageur qui parcourt le monde, qu’il entre sous la tente de l’Arabe, dans la hutte de l’Indien ou dans la demeure des colons espagnols, affranchis à cette heure du joug de leur métropole, y trouvera certainement quelques-uns des ustensiles domestiques et peut-être tous de fabrique anglaise. Les vêtemens des riches comme ceux des classes inférieures vous offriront encore les traces de l’industrie anglaise, et cette exposition toujours existante et toujours renouvelée vaut bien l’exposition d’apparat qui, pendant quelques semaines, met en émoi toutes les intelligences de la France.

Sans chercher à pénétrer trop profondément dans le for intérieur, on peut donc apprécier raisonnablement la combinaison des causes diverses qui entraînent les fabricans français à paraître à l’exposition. Quelques-uns, certains de leur supériorité, tiennent à en rendre le pays juge et témoin, et songent un peu aussi à l’avantage que leur procureront des distinctions méritées par d’honorables travaux. Beaucoup y vont parce que l’un de leurs voisins s’est déterminé à y aller, et qu’en ne l’imitant pas, ils donneraient à croire que l’industrie locale est concentrée dans une seule main. Cet inconvénient est plus grave pour eux, que celui de commettre leurs produits à l’examen de rivaux qui pourront y puiser des renseigne-