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gérés, les représailles de peuple à peuple, les impôts sur les matières premières et sur les subsistances, agissent en sens inverse de l’esprit d’entreprise et d’invention. Condamnée presque à réagir sur elle-même, la nation n’obtient dans la carrière de l’industrie, ni les succès, ni les profits qu’elle était appelée à recueillir dans le commerce général du globe. Jamais cette vérité n’a été si bien manifestée que par l’exposition de l’industrie dont la clôture vient d’avoir lieu.

Dans l’état avancé de civilisation où la France est arrivée, les efforts de ses divers gouvernemens n’ont pu parvenir à faire rétrograder l’intelligence du pays ; mais ils en ont souvent suspendu et comprimé l’essor. Incapables ou inhabiles, les hommes d’état ont préféré combattre et repousser le mouvement intellectuel plutôt que de se mettre à sa tête et d’entreprendre de le guider dans les voies du bien. Cette tâche eût été plus facile et plus profitable au pays ; mais elle eût été accompagnée d’un travail incessant, appelant chaque jour les méditations du pouvoir sur les améliorations possibles. Aussi les charmes du repos, le besoin de cette quiétude qui s’excuse soi-même en disant que tout est bien comme il est, et que le mieux serait difficile à obtenir, l’ont-ils toujours emporté. L’on a préféré les peines matérielles du combat, au trouble d’esprit qu’il eût fallu éprouver pour sonder les plaies de notre état social. On a laissé le soin de ces recherches aux étrangers que le désir de s’éclairer a conduits chez nous, et pour bien connaître les bases sur lesquelles reposent la fabrique lyonnaise et nos relations commerciales à l’étranger, c’est aux enquêtes du parlement anglais ou aux rapports de MM. George Villiers et John Bowring que nous devons recourir.

La question vitale, la question importante à l’occasion de l’exposition, celle par conséquent dont on s’est le moins occupé, c’est de savoir, de chacun de ces produits si brillans, si parfaits quelquefois, quelle quantité nous envoyons à l’étranger, quelle matière première ou quels nouveaux moyens de consommation et de jouissance ces envois nous procurent et quelle grande impulsion le commerce extérieur, ce principe de vie des grands états, en reçoit chez nous.

Une réponse banale, toute prête aux questions que nous faisons, c’est qu’un grand peuple doit être, à lui-même, son premier consommateur, et qu’il suffit qu’il exporte tout juste de quoi payer certaines matières premières que son sol ne lui fournit pas. Telle est du moins la pensée secrète qui dirige nos conseils. On perd de vue la question de puissance politique dont la portée est si grande. On n’aperçoit pas que le mauvais vouloir des états du nord et de l’est de l’Europe est empêché par le seul fait de l’exiguité de leur commerce et de leur marine, et faute de res-