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POÈTES ET ROMANCIERS DE L’ITALIE.

poète. J’y mettrai toute la mesure possible, car il s’agit de choses intimes, de croyances sincères, et je ne voudrais pas tomber sous l’anathème en contristant un esprit immortel.

Indépendamment des chœurs, l’œuvre lyrique de Manzoni se compose de cinq hymnes sacrées et de l’ode à Napoléon. Les hymnes parurent en 1810 et eurent peu de succès, le Cinq Mai est de 1822 ou 23 et en eut beaucoup. Cette petite armée d’élite est un chef-d’œuvre de discipline ; je dis discipline, car jamais la langue ne fut mieux disciplinée, jamais elle n’obéit plus exactement à la pensée, ni ne marcha plus d’accord avec elle. Pas de luxe inutile, pas une image fausse, point d’épithètes forcées ; rien de heurté, rien d’obscur ; tout au contraire est diaphane, limpide, et c’est là surtout qu’on peut dire que le vers est la cristallisation de la pensée.

Ce large et sincère hommage rendu sans arrière-pensée à la forme rhythmique du poète, il reste à apprécier l’emploi qu’il a fait d’un si bel instrument et à analyser les sources où il a puisé. Il ne s’agit que des hymnes, car pour l’ode à Napoléon, c’est une œuvre à part, écrite sous une inspiration actuelle, et que je déclarerais parfaite dans le genre, n’était le trop grand développement donné à l’inexactitude historique de la conversion finale. C’est aussi faire mourir l’empereur par trop en saint Louis. Lamartine a mieux fait de se retrancher dans le doute ; sans y rien perdre en poésie, son ode y a gagné en vérité.

Les hymnes de Manzoni sont rigoureusement catholiques et irréprochables sous le point de vue de l’orthodoxie. Ce peut être un mérite aux yeux de l’église, aux yeux de la critique ce peut n’en être pas un.

Aux jours de décadence de la mythologie grecque, un poète vint qui se mit à chanter dans les temples déserts des hymnes en l’honneur des dieux expirans de l’Olympe. Il chantait Cérès, il chantait Apollon, s’efforçant de rajeunir par l’art toutes ces divines caducités ; ce poète était Callimaque : or, Manzoni me semble être justement le Callimaque du catholicisme.

Comme le poète d’Alexandrie, le poète lombard puise à des sources taries et froides. La poésie s’est dès long-temps retirée de ces vieux mythes percés à jour par la philosophie. Les symboles