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son égard ? L’hérésie, c’est l’idée[1] qu’il veut inoculer à l’église. Croit-il qu’on lui pardonnera sa philosophie, si chrétienne qu’elle soit ? M. Bautain peut déjà s’apercevoir qu’il trouverait plus de justice chez ceux qu’il combat, que dans ceux qu’il défend ; je le lui prédis, les philosophes le feront un jour archevêque.

Avez-vous lu M. Madrolle ? Courez le lire, si la chose n’est déjà faite. Et ne vous contentez pas de l’Histoire secrète du parti et de l’apostasie de M. de La Mennais ; lisez tout ce que vous pourrez rencontrer de M. Madrolle ; lisez le Traité des devoirs catholiques dans les révolutions, les Crimes des faux catholiques ; lisez surtout son dernier ouvrage : Tableau de la dégénération de la France, et de ses moyens de grandeur, et dites-nous si vous avez jamais trouvé lecture plus récréative et plus divertissante. Sénèque a pensé qu’il n’y avait pas de grand esprit sans folie : nullum magnum ingenium sine mixturâ dementiœ. Le génie de M. Madrolle doit être immense, s’il est en rapport avec la folie qui l’accompagne. Évidemment, M. Madrolle extravague ; mais dans cette extravagance il y a une verve de logique qui provoque le rire et la gaîté. Dans son Tableau de la dégénération de la France, il s’est mis à insulter son siècle, toutes les opinions, toutes les écoles, tous les systèmes, tous les noms ; il s’est fait le Diogène de la sacristie ; il a confondu toutes les idées, mêlé tous les tons, la dissertation, le calembourg, la prière ; et tout cela se reflète dans un style tantôt ignoble, tantôt nerveux, où parfois on remarque les saines traditions des grands maîtres de la langue, où souvent aussi éclate dans tout son jour la cuistrerie du personnage ; on y sent alors comme une odeur de cierge d’église mal éteint.

L’Orient a tourné la tête à M. Chaho : Les Paroles d’un Voyant en réponse aux Paroles d’un Croyant[2] ne témoignent pas d’une grande tranquillité d’esprit et d’une satisfaisante clarté dans les idées. Le livre de M. Chaho ressemble à un de ces rêves que procure l’opium dans les cafés de Constantinople ; tout passe devant vos yeux, confusément, pêle-mêle, les croyances, les traditions,

  1. Voyez l’opuscule de M. Bautain, intitulé : Quelques réflexions sur l’institution des conférences religieuses à Paris.
  2. À la librairie orientale de Prosper Dondey-Dupré, rue Richelieu, 47 bis.