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philosophie écossaise, s’était attaché fortement à l’étude de Kant : convaincu par les critiques kantiennes de l’impuissance du rationalisme pur en ce qui touche certains points souverains de la science humaine, il adopta les doctrines de Schelling à l’état où elles étaient alors, il chercha la vérité par l’intuition pure, par la spontanéité, par une contemplation directe, par un élan d’amour idéal. Ce poétique idéalisme ne fut pour lui qu’un passage au mysticisme proprement dit, c’est-à-dire à cette philosophie secrète du christianisme, qui perpétue et cultive plus encore par la tradition orale que par l’Écriture, les vérités élémentaires de l’humanité chrétiennement considérée. Une fois profondément chrétien, M. Bautain voulut le devenir pratiquement : M. Bautain unit à une intelligence éminente une volonté forte, et dont l’énergie est, je crois, supérieure encore à l’activité même de son intelligence ; il a besoin de tourner la pensée en acte, d’exercer sur les hommes de l’influence et de l’action ; il a conclu du fond à la forme, de la conviction au dévouement : chrétien, il n’a pas hésité à se faire prêtre, voilà son originalité, son mérite. Il a conduit sa vie avec une logique ardente, sincère et tenace, et ses contemporains l’ont vu, débutant par l’abstraction, aboutir à la volonté.

M. l’abbé Bautain était appelé naturellement à combattre M. de La Mennais, et il s’en est montré l’adversaire le plus ferme et le plus redoutable. Ces deux hommes se font antithèse l’un à l’autre : M. Bautain est sorti de la philosophie pour aller à l’église ; M. de La Mennais est allé de l’église à la philosophie.

La Réponse d’un chrétien aux Paroles d’un Croyant[1] est la meilleure de toutes les productions qu’ait suscitées contre lui l’illustre prêtre de Bretagne. M. Bautain s’y montre ferme, habile, noble, pénétrant, incisif avec dignité ; il y a de la mesure dans son indignation et de la sérénité dans sa colère : tout est net, posé d’aplomb et clairement. Nous prendrions volontiers la Réponse de M. Bautain comme la meilleure rédaction des principes du christianisme officiel. Avec quelle lucidité l’auteur nous montre que le christianisme tel qu’il l’entend, n’est qu’un système spiri-

  1. Paris. Derivaux, rue des Grands-Augustins, 18. — Strasbourg. Février, rue des Hallebardes, 23.