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LES ADVERSAIRES DE M. DE LA MENNAIS.

M. de La Mennais une jeune personne, Mlle Aimable Le Bot[1]. Nous devons sur-le-champ aller à elle pour lui demander ce qu’elle désire au milieu de ces graves débats ; nous ne saurions lui dissimuler notre surprise de la voir mêler la gracieuse faiblesse de son esprit et de son sexe dans les controverses ardentes d’une si âpre polémique. Mlle Aimable Le Bot nous répond qu’elle a été douloureusement agitée, qu’elle a fait un rêve affreux, qu’elle est en sueur et se sent glacée, que les Paroles d’un Croyant l’ont tellement troublée… Hélas ! mademoiselle, elles en ont troublé bien d’autres, mais vous avez eu tort, après avoir lu ce livre, de le relire et de vous en tourmenter ; il ne vous était pas destiné. Le Croyant n’a pas chanté pour porter l’effroi dans votre cœur, mais dans le cœur des oppresseurs des peuples et de l’humanité ; le Croyant a pu vouloir faire trembler les rois, mais non pas les jeunes filles. Retournez, mademoiselle, à de plus douces lectures : vous êtes heureuse, dites-vous, par votre foi dans la parole du Christ ; ne dérangez donc pas votre bonheur ; aimez votre Dieu comme il convient à la candeur délicate de votre âme ; ne troublez pas les ineffables jouissances que vous goûtez avec votre amant divin par des cris au dehors et des distractions extérieures ; aimez, n’écrivez pas, ou si vous voulez essayer sur quelque sujet les naïves inexpériences de votre plume, au nom de votre bonheur et de votre tranquillité, ne vous égarez plus désormais que dans les plus riantes régions de la religion et de l’amour.

Qu’a donc voulu M. Elzear Ortolan ? a-t-il voulu jeter lui-même du discrédit sur ses estimables recherches en législation par ses Contre-Paroles d’un croyant[2]. Il nous dit que son opuscule ne doit pas être pris au sérieux, nous le prenons au mot. Mettons qu’il n’ait rien écrit sur ce sujet, qu’il n’ait pas eu la pensée de donner, comme il le dit, après les paroles, les contre-paroles, après le poison, le contre-poison ; oublions cette malencontreuse rapsodie : nous désirons vivement n’avoir désormais à nous occuper de M. Ortolan qu’en matière de législation.

  1. Paroles d’une croyante, par Mlle Aimable Le Bot. Paris, Mme Charles Béchet, quai des Augustins, 59.
  2. Paris, Gouas, libraire-éditeur, quai des Augustins, 49.