Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/560

Cette page a été validée par deux contributeurs.
556
REVUE DES DEUX MONDES.

j’avais abusés ; résolu à vivre de mon travail, j’appris l’hébreu, j’annonçai aux libraires que je traduirais, pour un juste salaire, tous les livres qu’ils désireraient, pourvu qu’ils ne fussent point contraires à la religion et à la morale. Je me créai ainsi une indépendance qui m’élevait à mes propres yeux. »

— Ici s’arrête l’excentricité de Psalmanazar. Il a passé le reste de sa vie, très pieux, très contrit, fort honnête. Il a confessé dans ses mémoires les bizarreries et les voluptés de sa vie d’escroc. Tenez, les voici. Passez dans cette bibliothèque. Vous les trouverez sur le troisième rayon à gauche.

J’entrai en effet, et je me vis entouré d’une armée de livres bizarres, dont les titres, le contenu, l’impression, les gravures rivalisaient d’étrangeté. J’en ouvris quelques-uns.

— Parbleu, m’écriai-je, on croirait être ici dans les petites-maisons de la pensée.

§. xxiii.
Bibliothèque absurde.


— Je le crois bien, dit Wordem. Ce sont ici les livres excentriques : Mémoires de George Psalmanazar, Mémoires de Cardan. — Cervelli, Cervelloni, Cervellacci, Cervellini. — Les Songes de Quevedo. — Toutes les œuvres des académies italiennes et de leurs — enflammés, — enfarinés, — humides, — secs, — goulus, — enragés, — tortus, — crochus, — bancals, — furieux, — innommés, — vengés, — frisés, — malavisés, — assommés, — grands-nasiers, — petits-nasiers, et autres, emplissant de leurs noms seuls un catalogue de six cents pages, — académies fort importantes dans l’histoire littéraire de l’Italie, dont elles ont dévoré, comme une nuée de sauterelles, la subsistance intellectuelle et la vie morale.

Puis deux mille volumes de vers burlesques dans tous les dialectes d’Italie pour louer la peste, la teigne, le melon, l’épingle, la puce, la torture, Néron, Busiris, la syphilis, etc., etc., et trente pages d’etcétéra.

Voici encore des livres que personne n’a jamais compris : — Le songe de Polyphile, — Nostradamus, — quatre-vingts volumes de rêveries sur Nostradamus, — Homerus Hebraïzans, pour prouver qu’Homère était Juif, — Les Enfers de l’antiquité, pour prouver