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des chiens ne tarda pas à les instruire de la présence des habitans des forêts. C’était à Newmarket. À peine la meute les eut-elle dépistés, elle se mit à leurs trousses, et la chasse commença. En vain lord Orford essaya-t-il d’arrêter dans leur essor ces impétueux coursiers. En vain le jockei et les grooms s’opposèrent-ils à cette chasse extraordinaire ; lord Orford fut emporté avec la rapidité du tonnerre, et le phaéton, agité de vibrations électriques, fut sur le point de s’enflammer, comme le char du fils du soleil. Heureusement une taverne où lord Orford descendait ordinairement se trouva sur sa route ; les daims s’élancèrent d’un bond dans la cour, et les portes se fermèrent au nez de la meute, qui, poussant de longs hurlemens, voyait sa proie lui échapper.

Le fameux sir John Price épousa trois femmes. Les deux premières furent embaumées par son ordre et placées comme deux statues des deux côtés de son lit. La troisième femme qu’il devait épouser, s’effraya de ces deux momies, et lui refusa sa main jusqu’à ce qu’il les eût fait enterrer.

La même aventure arriva au docteur Martin Van Butchelt. Il s’entendit avec deux médecins de ses amis pour conserver au corps de la défunte toutes les apparences de la vie. On injecta les vaisseaux sanguins, de manière à ce que les lèvres et les joues conservassent leur coloration. Toutes les cavités du corps furent remplies de substances anti-putrides ; la chevelure fut arrangée avec soin ; on remplaça les yeux par des yeux de verre, et une boîte, remplie de plâtre de Paris, reçut le corps, arraché à la corruption. Un morceau de cristal fut adapté au couvercle, et caché par un rideau que l’on pouvait tirer : Mme Van Buchelt, qui semblait encore vivante, resta ainsi pendant cinq ans debout dans le salon de son mari. Malheureusement une seconde femme exigea le départ de sa rivale et l’enterrement du cadavre.

M. Ellis, conseiller du tribunal de Dublin, s’était imposé la loi de ne jamais condamner une femme, quelque coupable qu’elle fût. Sa réputation en ce genre était si bien faite qu’un jour une femme, accusée d’avoir fabriqué de la fausse monnaie, et ne voyant pas M. Ellis sur le banc des juges, s’écria : — Je ne veux pas être jugée. — Et pourquoi, lui demanda-t-on ? — Je ne veux être jugée que par M. Ellis.