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REVUE DES DEUX MONDES.

La Nuit des Noces.

À vous, auteurs de vaudevilles ; si jamais sujet fut exploitable, c’est celui que je vais avoir l’honneur de vous conter en style de Peau-d’Âne, s’il vous plaît, et précisément comme le raconte l’Annual-Register, sans rien altérer.

La scène est à Londres, en 1777.

Un homme riche, qui avait environ dix mille livres sterling de rente, spirituel et bonhomme, s’appelait Howe. Il avait épousé une jeune personne fort jolie, nommée Mallet. Il l’aimait avec passion. Le jour des noces, après avoir soutenu à déjeuner que toutes les femmes sont infidèles, et qu’il était impossible de compter sur leur affection, il se leva, dit à sa nouvelle femme qu’il était obligé de partir pour la Tour, où des affaires l’appelaient. Sur les quatre heures, elle reçut un billet de lui, dans lequel il lui apprenait que des circonstances imprévues le forçaient de partir pour la Hollande.

Pendant quinze ans, madame Howe n’entendit plus parler de son mari. Voici de quelle nature avait été le voyage étrange de M. Howe. Il avait choisi un petit logement, tout au bout de la même rue, chez un chaudronnier, auquel il donna six shellings par semaine. Il changea de nom, et comme il y avait peu de temps qu’il demeurait à Londres, il ne fut reconnu de personne. À trois portes de la maison de sa femme, se trouvait un petit café qu’il fréquentait. Trois ans après son évasion, il trouva dans ce café un journal qui lui apprit que sa femme venait d’adresser une pétition au parlement pour nommer des arbitres qui réglassent les affaires de son mari, dont la vie ou la mort était incertaine. Il suivit avec beaucoup d’attention les détails et les progrès de l’affaire, qui se termina comme le désirait la veuve. Dix ans s’écoulèrent. Madame Howe, changeant de logement, alla demeurer de l’autre côté de la rue, chez un nommé Salt, que le mari avait rencontré dans le petit café. Lorsque Howe apprit cette circonstance, il se lia plus intimement avec Salt, et finit par aller habiter une petite chambre de son appartement. De cette chambre, qui n’était séparée que par une cloison, de celle de madame Howe, on voyait et on entendait tout ce qui se faisait à côté. Salt, qui croyait son nouvel ami garçon,