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UNIVERSITÉS ALLEMANDES.

pose la loyauté du chevalier sont grands, plus elle trouve de force dans son amour. Elle redouble ses sollicitations, elle lui peint sous les couleurs les plus sombres les tristesses de la captivité, sous les images les plus riantes le bonheur de retourner librement en Allemagne. Le chevalier cède enfin, part avec sa bienfaitrice, court à Rome, se jette aux genoux du pape, et lui raconte son histoire. Le pape lui-même, tout bon casuiste qu’il était, ne put refuser sa sanction au serment que le chevalier avait fait d’épouser la jeune païenne. Elle fut baptisée et mariée le même jour, puis elle s’en vint avec le comte au château de Gleichen, où la comtesse la reçut comme une sœur.

À Erfurt, on raconte le dénouement d’une autre manière ; on dit que le chevalier, revenant chez lui avec la jeune fille qui l’avait sauvé, la présenta à sa femme en lui disant : Voilà celle à qui je dois la liberté et la vie, et que sa femme, se tournant vers l’étrangère, lui dit : J’aime mon mari de toute mon ame, mais vous avez fait pour lui plus que jamais je n’ai fait, je ne puis m’acquitter qu’en vous cédant mes droits sur lui ; et elle se retira dans un couvent.

Dans une autre partie des environs de Goettingue, il existe une ancienne chronique à laquelle la réformation n’a pas dû laisser beaucoup de partisans, mais qui n’en mérite pas moins d’être recueillie comme l’expression naïve du temps où l’on y ajoutait foi.

L’empereur Henri ii, surnommé le Saint, fit présent à une église d’un vase d’or du poids de vingt livres. Quelque temps après il mourut, et à l’heure même où le monarque expirait, un pieux ermite, qui avait passé de longues années dans les exercices d’une rigoureuse dévotion, entendit tout à coup dans sa paisible cellule un grand bruit. Il courut sur le seuil de sa porte, et en regardant autour de lui il aperçut dans les airs une légion de diables qui s’en allaient en toute hâte s’emparer de l’ame de l’empereur.

L’ermite en appela un, et le pria de venir lui raconter le résultat de cette expédition. Or, comme le diable n’avait rien à refuser à un saint homme, qui vivait de prières et de bonnes œuvres, il revint à point nommé, mais hélas ! il avait l’air bien triste, l’air d’un diable qui vient de perdre une belle proie. D’abord, à l’aide de ses compagnons, il s’était hâté de prendre l’ame de Henri, et en rassemblant de ci, de là, quelques vieilles fautes mal expiées, mainte injustice non réparée, maint crime d’empereur que les courtisans pardonnent trop facilement, il en était venu à former, malgré la sainteté du sujet, une assez bonne somme d’iniquités qui, mises en bloc dans la balance, la faisaient pencher de beaucoup vers l’enfer, lors-