Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/448

Cette page a été validée par deux contributeurs.
444
REVUE DES DEUX MONDES.

dins, les champs de blé et les verts enclos qui l’entourent lui donnent assez l’air d’une petite ville de Normandie. Ses rues sont élégantes et bien bâties ; les monumens publics qui les décorent ne sont pas splendides, mais presque tous d’un très bon goût. Elle a la physionomie jeune et riante, mais peut-être aurait-on le droit de regretter qu’elle se soit dépouillée avec tant de soin de ses vieux édifices pour prendre la légèreté de structure et le badigeonnage des temps modernes. Goettingue est l’une des plus anciennes villes d’Allemagne. Plusieurs historiens font dériver son nom de Goth, et remonter son origine jusqu’au VIIIe siècle. Elle passa, non sans y jouer quelquefois un rôle important, à travers les diverses phases du moyen âge ; d’abord ville impériale, ville féodale, ville libre, ville anséatique, puis ville réformée, la rupture du lien anséatique lui porta le premier échec, et la guerre de trente ans, si fatale à toute l’Allemagne, appauvrit ses bourgeois, et jeta son industrie dans un état de misère dont elle ne se releva plus. On n’y trouve aujourd’hui que très peu de monumens de son ancienne histoire : une vieille tour d’église que l’on voit s’élever de loin comme une haute colonne, et qui appartient sans doute aux premiers temps d’architecture gothique ; une maison dont les murailles sont couvertes de sculptures en bois qui portent le caractère naïf des artistes du XVIe siècle, et des remparts au pied desquels on dessine maintenant un jardin anglais.

Les vrais monumens sont dans les environs de la ville, sur ces montagnes où les anciens seigneurs allaient construire leur forteresse. Là étaient les troupes de guerriers aventureux, vivant d’exactions et de rapines, les véritables ennemis contre lesquels la bourgeoisie avait à combattre sans cesse, ou pour son territoire, ou pour ses libertés. Là sont les deux châteaux de Gleichen, situés sur deux montagnes parallèles (d’où vient leur nom de gleichen, pareilles), et appartenant à deux frères qui s’étaient juré une haine mortelle, et se tuèrent tous deux à la fois, en se tirant l’un contre l’autre un coup d’arquebuse ; le vieux château de Hardenberg, qui remonte jusqu’au IXe siècle ; les grandes et magnifiques ruines du château de Plesse, au pied duquel les étudians et les jeunes filles de Goettingue vont maintenant danser le dimanche. De ces anciens remparts de la féodalité, il ne reste plus que d’informes débris ; le pauvre paysan s’en va prendre les pierres du donjon pour se bâtir son humble cabane, et l’enfant joue dans cette salle où se rassemblaient les vieux guerriers.

Là, revivent encore ces anciennes traditions, ces bons vieux contes transmis d’âge en âge par la crédulité populaire, ces récits de géans et de nains de la montagne, comme on les retrouve dans le Tyrol et dans le