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espèce de censure, ce que l’on ne retrouverait pas facilement dans le reste de l’Allemagne. Rien ne coûte au gouvernement hanovrien pour attirer ou conserver à Goettingue les hommes capables de donner à la science qu’ils enseignent un nouveau lustre. Aussi les professeurs, une fois arrivés là, n’en sortent guère. Ils y suivent paisiblement leur carrière, deviennent conseillers, puis conseillers privés, reçoivent deux ou trois décorations, quelque pension, et s’endorment un jour, en sortant de leur auditoire, pour ne plus se réveiller. On place leur buste dans la bibliothèque ; on imprime leur panégyrique ; on fait une nouvelle édition de leurs œuvres, et leur nom inscrit avec honneur dans les annales de l’université, vénéré par leurs élèves, respecté par leurs successeurs, s’en va d’année en année jeter encore un doux reflet sur la tête de leurs neveux et petits neveux. C’est comme un idéal de vie paisible, studieuse, réfléchie, que les troubles révolutionnaires et les orages de notre époque n’ont pas encore pu ternir.

Goettingue s’est toujours distinguée par la haute réputation des hommes attachés à son université, et plus d’un écrivain célèbre a ambitionné l’honneur d’être admis au nombre de ses professeurs. En remontant à son origine, nous trouvons une suite non interrompue de savans que non seulement le pays de Hanovre, mais l’Allemagne entière ne peut cesser de vénérer : ainsi, Meyer, l’inventeur des tables lunaires ; Heine, le philologue ; Haller, le naturaliste ; Schlozer, qui tour à tour professa l’histoire, la politique, la statistique ; Martens, qui a vu venir à lui toute la jeune noblesse allemande qui se destinait à la diplomatie ; de Villers notre compatriote, dont Mme de Staël a fait l’éloge ; Rœderer de Strasbourg ; Busching ; Sartorius ; Eichhorn ; Bouterweck, etc.

Là, la science a marché d’un pas rapide par toutes les voies qui lui étaient ouvertes, toujours secondant le progrès général et quelquefois le devançant. Il y aurait un livre curieux à faire sur tout ce que cette université a produit dans l’espace d’un siècle, sur les tentatives hardies dont elle a été le théâtre, les recherches profondes auxquelles elle s’est livrée, et les diverses théories qu’elle a jetées de par le monde. Il y a surtout deux grandes époques dans l’histoire de Goettingue, c’est celle où Bürger, Holty, Leisewitz, Holberg, se réunissaient ici pour publier leurs vers, et où l’Allemagne regardait poindre avec surprise cette nouvelle ère littéraire annoncée par l’almanach des Muses de cette confrérie de poètes ; c’est celle où une société de savans se formait pour publier une suite d’ouvrages dans laquelle Eichhorn apportait son histoire d’Europe, et Bouterweck sa belle histoire des littératures.

En observant séparément les diverses branches scientifiques que l’université de Goettingue a dû embrasser, on ne peut s’empêcher de recon-