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Lorsque le dominicain revint, il lui déclara que sa résolution était prise de se retirer d’un monde où il avait donné tant de scandale, et de chercher à expier, dans les exercices de la pénitence, les crimes énormes dont il s’était souillé. Le moine, touché de ses larmes, l’encouragea de son mieux, et pour reconnaître s’il aurait le courage de suivre sa détermination, il lui fit un tableau effrayant des austérités du cloître. Mais à chaque supplice qu’il décrivait, don Juan s’écriait que ce n’était rien, et qu’il méritait des traitemens bien plus rigoureux.

Dès le lendemain il fit don de la moitié de sa fortune à ses parens, qui étaient pauvres ; il en consacra une autre partie à fonder un hôpital et à bâtir une chapelle ; il distribua des sommes considérables aux pauvres, et fit dire un grand nombre de messes pour les âmes du purgatoire, surtout pour celles du capitaine Gomare et des malheureux qui avaient succombé en se battant en duel contre lui. Enfin il assembla tous ses amis, et s’accusa devant eux des mauvais exemples qu’il leur avait donnés si long-temps ; il leur peignit d’une manière pathétique les remords que lui causait sa conduite passée, et les espérances qu’il osait concevoir pour l’avenir. Plusieurs de ces libertins furent touchés, et s’amendèrent : d’autres, incorrigibles, le quittèrent avec de froides railleries.

Avant d’entrer dans le couvent qu’il avait choisi pour retraite, don Juan écrivit à dona Teresa. Il lui avouait ses projets honteux, lui racontait sa vie, sa conversion, et lui demandait son pardon, l’engageant à profiter de son exemple et à chercher son salut dans le repentir. Il confia cette lettre au dominicain après lui en avoir montré le contenu.

La pauvre Teresa avait long-temps attendu dans le jardin du couvent le signal convenu ; après avoir passé plusieurs heures en proie à une indicible agitation, voyant que l’aube allait paraître, elle rentra dans sa cellule, en proie à la plus vive douleur. Elle attribuait l’absence de don Juan à mille causes toutes bien éloignées de la vérité. Plusieurs jours se passèrent de la sorte, sans qu’elle reçût de ses nouvelles, et sans qu’aucun message vînt adoucir son désespoir. Enfin le moine, après avoir conféré avec l’abbesse, obtint la permission de la voir, et lui remit la lettre de son séducteur repentant. Tandis qu’elle la lisait, on voyait son