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LES ÂMES DU PURGATOIRE.

ses yeux. Don Juan l’observait avec attention ; il la voyait tour à tour s’essuyer le front, se frotter les yeux ; ses lèvres tremblaient, une pâleur mortelle couvrait son visage, et elle était obligée de tenir à deux mains le papier, pour qu’il n’échappât pas de ses mains. Enfin elle se leva par un effort désespéré, et s’écria : Tout cela est faux ! c’est une horrible fausseté. Don Garcia n’a jamais écrit cela.

Don Juan répondit : — Vous connaissez son écriture. Il ne savait pas le prix du trésor qu’il possédait…, et moi j’ai accepté, parce que je vous adore.

Elle jeta sur lui un regard du plus profond mépris et se mit à relire la lettre avec l’attention d’un avocat qui soupçonne une falsification dans un acte. Ses yeux étaient démesurément ouverts et fixés sur le papier. De temps en temps une grosse larme s’en échappait sans qu’elle clignât la paupière, et tombait en glissant sur ses joues. Tout à coup elle sourit d’un sourire de fou et s’écria : C’est une plaisanterie, n’est-ce pas ? c’est une plaisanterie ? Don Garcia est là, il va venir.

— Ce n’est point une plaisanterie, dona Fausta. Il n’y a rien de plus vrai que l’amour que j’ai pour vous. Je serais bien malheureux si vous ne me croyiez pas.

— Misérable ! s’écria dona Fausta ; mais si tu dis vrai, tu es un plus grand scélérat encore que don Garcia.

— L’amour excuse tout, belle Faustita. Don Garcia vous abandonne. Prenez-moi pour vous consoler. Je vois peint sur ce panneau Bacchus et Ariane ; laissez-moi être votre Bacchus.

Sans répondre un mot, elle saisit un poignard suspendu à la muraille, et s’avança vers don Juan en le tenant élevé au-dessus de sa tête. Mais il avait vu le mouvement, il lui saisit le bras, la désarma sans peine, et se croyant autorisé à la punir de ce commencement d’hostilité, il l’embrassa trois ou quatre fois, et voulut l’entraîner vers un petit lit de repos. Dona Fausta était une femme faible et délicate ; mais la colère lui donnait des forces, elle résistait à don Juan, tantôt s’attachant aux meubles, tantôt se défendant des mains, des pieds et des dents. Don Juan avait d’abord reçu quelques coups en souriant, mais bientôt la colère fut chez lui aussi forte que l’amour. Il étreignait fortement Faustita sans craindre de froisser sa peau délicate. C’était un lutteur irrité qui voulait à tout